Deuxième volume d’une saga littéraire consacrée au Front populaire, Rue de l’espérance, 1935 reprend avec bonheur les mêmes ingrédients que le premier roman d’Alexandre Courban : une intrigue policière comme prétexte à une passionnante reconstitution historique d’une époque faite d’espoirs et de peurs.
Moins d’un an après les manifestations de l’hiver 1934, qui étaient au cœur de Passage de l’Avenir, 1934, la lutte des classes se poursuit et s’organise face à la montée du fascisme. Tandis que l’Italie de Mussolini tente d’étendre son empire en Afrique orientale, la France se lance dans une course effrénée au développement aéronautique. La société des moteurs Gnome et Rhône, qui en est l’un des fers de lance, va se retrouver endeuillée à la suite du meurtre dans le métro de l’un de ses dessinateurs industriels, un certain André Legrendre. L’enquête est confiée au commissaire Bornec, ce policier solitaire et taciturne, que le lecteur a découvert dans le précédent volume. On retrouve aussi le journaliste de L’Humanité Gabriel Furnel, qui prépare un article sur les conditions travail des ouvriers métallurgistes, ainsi que Camille Dubois, ancienne ouvrière qui a commencé à travailler elle aussi à L’Humanité et qui rêve de devenir photographe de presse. Ce trio va se croiser tout au long d’une intrigue qui permet à Alexandre Courban de reconstituer avec minutie cette période, de décembre 1934 à octobre 1935.
Lutte des classes, montée du fascisme, espionnage industriel sont au centre de cette nouvelle intrigue aussi réussie que la précédente. Mais autant prévenir le lecteur, si ce nouveau roman peut sans doute être lu indépendamment, il s’appréciera pleinement dans la continuité de Passage de l’Avenir, 1934. En effet, le projet d’Alexandre Courban est bien de reconstituer la chronologie des événements qui, à partir de 1934, ont permis la création du Front populaire. Autrement dit, la dimension policière du récit est ici plutôt anecdotique. L’identité du meurtrier est d’ailleurs assez rapidement dévoilée et, s’il reste une part de mystère jusqu’à la fin du roman, le lecteur amateur de polar ne sera jamais vraiment surpris par cette intrigue assez prévisible. L’intérêt réside bel et bien dans la reconstitution de la période historique de l’entre-deux guerres.
Ancien étudiant en histoire, Alexandre Courban a soutenu une thèse consacrée à L’Humanité. Les pages qui se déroulent dans les locaux du journal sont passionnantes. La liste des personnages ayant existé qui figure à la fin du volume nous permet a posteriori de constater avec quelle habileté le romancier a su mêler personnages fictifs et figures historiques du journal. On imagine aussi assez bien le travail de recherche qu’Alexandre Courban a dû mener (sur l’aéronautique et la photographie comme sur les événements de cette année 1935) pour nourrir son récit qui conserve toutefois la fluidité du précédent roman. Il nous entraîne ainsi parfaitement dans les tourments de cette époque et si ses protagonistes sont encore animés par de merveilleux espoirs, le lecteur, lui, ne peut s’empêcher de noter tous les signaux qui annoncent la tragédie à venir.
On attend donc désormais avec impatience la suite des aventures de ce sympathique trio de personnages. Le prochain volume devrait logiquement se dérouler en 1936 et donc couvrir les mois qui ont mené aux élections législatives du printemps 1936, celles qui ont vu la victoire du Front populaire. En attendant, on ne peut que conseiller aux lecteurs de lire les deux premiers tomes de cette passionnante saga historique.
Grégory Seyer