Quel bonheur de retrouver, jeudi soir, Last Train ! Plus furieux, plus intenses encore, plus audacieux aussi peut-être, ils ont repris devant un public de fans éperdus leur position au sommet du Rock français. Terrible !

On était resté sur le souvenir mitigé du concert de l’Olympia, en mars 2023, où la magie de Last Train, celle qui avait par exemple transformé une nuit de 2019 au Trianon en un inoubliable pandémonium émotionnel, avait trépassé devant un public pénible qui ne les méritait pas. Et puis ils ont disparu pendant près de 2 ans. Pour se reposer de la fatigue des tournées, mais aussi et surtout pour composer et enregistrer (en Lozère, donc loin de ce chaos qu’ils illustrent et désossent pourtant si bien) un nouvel album, leur troisième. Ce qui nous amène en ce 30 janvier 2025, en compagnie d’une petite foule de vrais fans plus qu’enthousiastes, au Nouveau Casino (une salle que nous avons beaucoup aimée, mais qui ne fait plus partie des salles « habituelles » de concerts parisiens) pour la release party de Trois (qui s’écrit III)…
21h15 : Si nous sommes quant à nous dans l’expectative (retrouveront-ils la grâce d’antan ? Ce genre d’interrogations…), l’immense majorité du public est juste ravi d’être là et totalement confiant. Et ils ont bien raison : il n’en faut pas plus que l’intro littéralement terrible de Home (le titre d’ouverture de III) – la première explosion interrompant la psalmodie de Jean-Noël fait sursauter absolument tout le monde dans la salle – pour que tout soit joué : le niveau d’hystérie qu’ils atteignent en moins de trois minutes est littéralement dantesque ! Pour comparer des musiques qui ne sont pourtant pas comparables, on ne voit que les Psychotic Monks de la grande époque pour réussir ce genre de tour de force : Last Train sont bel et bien de retour, et ils sont là pour reprendre leur couronne de meilleure expérience scénique du Rock français (… au moins en attendant que les Monks se ressaisissent !).
The Plan, qui suit (comme sur l’album), est à peine moins radical : il y a quelque chose de féroce dans ces nouveaux morceaux, qui rassure profondément… Last Train ne ronronnent pas, ne vivent pas sur leurs acquis, ils sont là pour pousser la transe scénique encore plus loin.
En une heure trop courte – incluant une longue liste de remerciements à toutes celles et tous ceux qui leurs permettent d’œuvrer en toute indépendance, qui se révèle éclairante quant à la quantité d’efforts et de bonne volonté nécessaire pour qu’un groupe, même aussi doué que Last Train, puisse fonctionner, ou même simplement vivre -, ils nous ont fait à nouveau passer par tous les états : stupéfaction, excitation, émotion.
Leur musique semble encore plus fracturée qu’avant, sans doute parce qu’elle a gagné en violence, mais une violence aussi abstraite que terriblement humaine. Les cris que pousse Julien devant nous, entre ses brillantes interventions à la guitare, ne sont pas destinés au micro, ne sont pas « pour nous » : il s’agit de la libération d’une douleur insupportable, qui ne peut que s’exprimer ainsi. A moins qu’il ne s’agisse, et c’est même plus probable, de cris d’amour. Et le ballet des musiciens sur scène reste vertigineux : ces poses « rock’n’roll », qui, chez d’autres, seraient vues comme théâtrales, outrées, artificielles, ne sont chez Last Train que l’expression d’une superbe offrande physique de la part de ces musiciens littéralement « possédés », à la Musique, à l’Art, à nous, leur public.
On pourra peut-être regretter que la setlist, après la double introduction fracassante des deux titres de III, se soit contentée de revisiter les deux premiers albums, et donc de nous caresser dans le sens du poil plutôt que de continuer à nous secouer dans tous les sens, mais pourquoi refuser le plaisir quand il nous est offert avec autant de générosité ? Et puis, ça nous permet de nous quitter sur l’immense, sur le parfait The Big Picture.
Car il y a des choses qui ne changent pas, et pour le coup, c’est mieux ainsi.
Texte et photos : Eric Debarnot