Mini-série ultraviolente construite à partir de l’épisode de la Guerre de l’Utah connu comme le massacre de Mountain Meadows, American Primeval, en dépit de ses excès, a le mérite de dépeindre sans fards les horreurs de la naissance des Etats-Unis…
![American Primeval](https://www.benzinemag.net/wp-content/uploads/2025/02/American-Primeval.jpg)
Peu de gens en France connaissent la « Guerre de l’Utah », confrontation armée entre le gouvernement fédéral des Etats-Unis naissants et les colons mormons qui avaient tenté de créer, sous la direction de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, un état indépendant en Utah. Les affrontements entre l’armée US et les milices mormones eurent lieu de 1857 à1858, et l’un des épisodes les plus célèbres – et les plus atroces – fut, dans une vallée appelée Mountain Meadows, le massacre de 120 migrants traversant la région dans l’espoir de rejoindre la Californie, commis par une milice mormone appuyée par une troupe d’indiens. Les téléspectateurs ayant regardé la série Sur Ordre de Dieu ont déjà eu une représentation de cette tragédie, mais celle qui nous est faite dans son premier épisode la mini-série American Primeval (« Primitif américain » en VO, un titre bien moins lénifiant que À l’aube de l’Amérique) est bien, bien plus frappante…
… voire traumatisante même, dans sa peinture d’une violence insensée contre des victimes pour la plupart démunies… au point que les téléspectateurs sensibles pourront préférer en rester là ! Ce qui serait dommage, parce que, même si les cinq épisodes suivants comportent chacun leur lot de scènes horribles, il y a un véritable discours politique au cœur d’American Primeval que feraient bien d’écouter ceux qui croient à la propagande « MAGA ». Car ce que nous rappelle et nous montre ici Mark L. Smith, c’est que l’Amérique est née dans un bain de sang (principalement des populations amérindiennes, mais pas que…), dans la violence (omniprésente), dans la haine de l’autre, et dans la cupidité la plus bestiale : toutes choses difficiles à regarder en face dans cette série qui ne nous ménage pas, mais indiscutablement vraies.
Mark L. Smith a donc imaginé, autour d’un massacre bien réel, l’histoire d’une femme de l’Est, accompagnée par son fils invalide, cherchant à rejoindre un poste avancé de colonisation pour y retrouver le père hypothétique de l’enfant. Fuyant les chasseurs de primes (la tête de la femme étant mise à prix), ils se retrouveront irrémédiablement mêlés à la guerre qui fait rage dans l’état mormon, et pris dans un faisceau inextricable de drames humains, dans une atmosphère quasi apocalyptique.
Peter Berg, le réalisateur de tous les épisodes a la main lourde en termes de violence gore, de détails sordides (la palme revenant à la partie se déroulant dans un campement de colons français encore plus primitifs !), de comportements bestiaux et de déchirements incessants. Et cette sauvagerie de tous les instants joue contre la série, qui aurait bénéficié de moments de pause, permettant au téléspectateur de reprendre ses esprits, et de réfléchir sur ce que American Primeval lui raconte. On pourra aussi déplorer des choix narratifs qui s’écartent de ce que l’on pense aujourd’hui être la vérité historique : par exemple, l’implication indirecte de Brigham Young, le chef de la communauté mormone, dans le massacre est ici suggérée alors qu’elle ne semble pas fondée… ce qui permet à Mark L. Smith de charger sa barque « anti-mormone » au delà du nécessaire.
Pourtant, en dépit de ces défauts irréfutables, et sans doute beaucoup grâce à la qualité générale de son interprétation, American Primeval s’impose comme une œuvre marquante, qui ne manque pas de courage dans sa détermination à lever le voile sur les horreurs de la colonisation américaine.
Eric Debarnot