David Park nous rappelle encore combien il est un grand écrivain, dans un style complexe et épuré et subtil. Et aussi combien il est capable de profondeur en abordant des sujets en apparence banals.
![David Park](https://www.benzinemag.net/wp-content/uploads/2025/02/PARK-David-2023.jpg)
A Run in the Park (le titre original de ce court roman, 120 pages, de David Park) est aussi neutre que le titre en français est mystérieux. Mis ensemble, ces deux titres donnent pourtant la clé pour comprendre ce message que David Park veut nous faire passer : se rappeler de la vie, ne pas oublier d’être vivant… En l’occurrence, ici, les personnages de David Park courent pour se rappeler qu’ils sont vivants.
Ils sont 4 (5 en réalité), ces personnages qui sont à la croisée des chemins, à un moment (plus ou moins) difficile de leur existence, un moment qui leur fait penser à la mort ou au moins qui leur fait oublier de vivre. Maurice, Cathy, Brendan (et Angela) et Yana. Ils se retrouvent par hasard dans un programme de running qui vous apprend à sortir de votre canapé et arriver à courir 5 kilomètres et tout ça en 9 semaines et en douceur, quelques minutes par jour à la fois.
Maurice, le premier, se laisse complètement aller, a perdu le goût de vivre depuis qu’il a perdu sa femme (décédée il y a peu) et maintenant qu’il voit s’éloigner de lui sa fille et sa petite fille. Il y a aussi Cathy, qui se remet d’un problème de santé, mais qui se remet mal que son mari l’aie quittée pour une plus jeune qu’elle. Et puis, Brendan : à quelques jours de son mariage avec Angela, Brendan commence à douter de son engagement (son beau-père est un personnage douteux avec lequel il s’entend mal) et perd aussi le sens de sa vie. Et, enfin, Yana, réfugiée syrienne en Irlande, hantée par un passé dramatique, par la guerre et la perte de son frère (est-elle responsable ?), et inquiète de son futur improbable dans ce nouveau pays.
Ces personnages ont donc une histoire différente. Ils doivent affronter des obstacles et relever des défis qui ne sont pas les mêmes. Et ils vont tous y arriver. Semaine après semaine, David Park nous raconte leurs difficultés, décrit leurs hésitations, leurs pensées. Il montre comment ils réussissent à se remettre en marche et dans le bon sens. Jamais, toujours dans ce groupe qu’ils forment, en s’aidant mutuellement, plus ou moins volontairement, consciemment. Ils vont arriver à courir ces 5 kilomètres, mais, surtout, ils vont surmonter leurs problèmes, chacun d’entre eux et tous ensemble. Le roman finit d’ailleurs dans une scène collective qui marque cette victoire individuelle et collective.
Courir pour se rappeler de la vie et pour redevenir vivant. Courir, ou autre chose d’ailleurs. Il s’agit de se reprendre en main, parce que la vie est là et qu’elle mérite peut-être d’être vécue, de faire des efforts, pas tout seul, mais avec les autres, parce que ces efforts finiront par payer… Dit comme ça, le message peut paraître un peu simpliste, simplet, naïf, banal (et le roman secondaire). Évidemment, il ne l’est pas. Pour, au moins, deux raisons. D’abord, parce qu’on oublie souvent que les personnes qui sont au fond du trou n’arrivent pas (ou rarement) à en sortir par un simple effort de volonté. Se rappeler de la vie n’est pas banal, surtout quand on a vécu une situation traumatique. Lire un roman qui raconte ces parcours de l’ombre vers la lumière est toujours important.
Et puis, il y a l’auteur. David Park. Un style d’une sobriété fascinante, très épuré, mais aussi d’une grande subtilité (on imagine combien il est difficile d’arriver à un tel niveau d’écriture). Il est capable de parler de sentiments complexes et dramatiques d’une manière dédramatisée. Il arrive à raconter des histoires d’une grande profondeur avec légèreté. Ses romans sont des bijoux, des joyaux qu’il cisèle tranquillement, mais qui doivent être lus avec attention et chéris. Ce Rappel à la vie est l’occasion de se rappeler combien cet écrivain est brillant, un des meilleurs écrivains contemporains sans doute aucun.
Alain Marciano