La Ballade de la Mer Salée était un one shot réussi, jusqu’à ce que Hugo Pratt ne décide de poursuivre l’aventure, nous offrant le premier véritable Corto : la naissance d’un mythe…
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Après un réel succès d’estime, mais des tirages limités, La Ballade de la Mer Salée aurait pu ne pas avoir de suite. Telle une étoile filante, Corto aurait brillé et disparu. Fin 1969, Georges Rieu, le rédacteur en chef de Pif Gadget, propose à Pratt de le publier en France. Ce dernier accepte et décide de reprendre le personnage : ce sera Sous le signe du Capricorne.
L’album regroupe six histoires se déroulant toutes en Amérique Latine, de 1916 à 1917. Tour à tour chasseur de trésors, allié de la marine britannique en guerre, ou des « cangaceiros » du nord du Brésil luttant contre les grands propriétaires terriens, Corto trace sa route en solitaire.
Pratt dévoile sa passion pour l’ésotérisme et la magie. Il nous initie aux cultes afro-américains, le vaudou de Haïti, la santeria de Cuba ou le candomblé du Brésil, puis lance Corto sur les traces de la mythique cité de Mû, une quête qui ne trouvera sa résolution que vingt années plus tard dans l’album du même nom.
Autant le dessin de La Ballade de la Mer Salée était fluctuant, autant celui de ce second volume atteint une première maturité : le visage et la silhouette de Corto se stabilisent. Corto est souple, longiligne et d’une formidable désinvolture. S’il ne s’attarde guère sur les décors et son dessin contient encore trop de hachures, Pratt livre de très belle scènes marines et, surtout, le beau Corto fascine une première génération de lecteurs.
Le personnage s’affirme. Libéré de la tutelle du Moine, il est un homme libre de toutes attaches, nationalistes ou affectives. « Je pense que les femmes seraient merveilleuses si tu pouvais tomber dans leurs bras sans tomber entre leurs mains. » Oubliez le pirate sanguinaire, Corto est un aventurier mélancolique et ironique qui choisit, désormais, ses combats. Un héros bavard, mais tout en retenue, qui subit ou suscite, par sa seule présence, l’événement, plus qu’il ne le provoque. Faussement cynique, il cache une âme généreuse, même s’il n’hésite pas à écraser une cigarette sur le visage d’une brute ou à tricher aux cartes. Enfin, Corto a le culte de l’amitié, il se lie au vieux Steiner, à Bouche Dorée et au dangereux Raspoutine : nous les retrouverons…
Sur les six histoires, trois sortent du lot. Tir-Fixe, L’Aigle du Brésil et Et nous reparlerons des gentilshommes de fortune parviennent à allier la magie, l’humour et l’aventure. Le dosage est subtil et le résultat proche de la perfection. Par cet album, Corto entre dans la légende et, même s’il n’a pas fait de moi un aventurier, il a enrichi mon imaginaire.
Stéphane de Boysson
Sous le signe du Capricorne
Scénario et dessin : Hugo Pratt
Pré-publication (Pif) : 1970
Première publication en album (Publicness) : 1971
256 pages, format à l’italienne
Hugo Pratt – Sous le signe du Capricorne – extrait :
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