[Live Report] The Cactus Blossoms à la Marbrerie (Montreuil) : « Apportez des fruits pourris ! »

Elégance, calme, classicisme, etc. : des termes finalement inhabituels pour qualifier le beau concert donné par The Cactus Blossoms, hier soir dans le cadre accueillant de la Marbrerie de Montreuil. Une soirée de rêve ?

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The Cactus Blossoms à la Marbrerie

On va commencer par parler de la salle où a lieu, ce soir, le concert de The Cactus Blossoms : la Marbrerie à Montreuil, c’est un peu un rêve de salle pour concerts de Rock : bien desservie par les transports (le métro Mairie de Montreuil est à deux pas), avec une belle grande scène sur laquelle les groupes peuvent être à l’aise, à la bonne hauteur, ni trop haute ni trop basse. Plus important encore, le son, à chaque fois, est parfait, même pour les premiers rangs, tandis que les lumières sont généreuses sans être excessives, un bonheur pour les photographes. Cerise sur le gâteau et non des moindres, la Marbrerie dispose d’une « cantine » dont tout le monde loue l’excellence, qui prépare des plats français, africains, indiens, qu’il est même possible de déguster à l’étage en regardant le concert. Grâce à tout cela, la Marbrerie est une véritable « salle de quartier » où l’on soupçonne les gens de venir passer une soirée entre amis, quelle que soit – ou presque – la musique. Un seul bémol, le cadre est plutôt laid, avec des murs et un plafond en béton brut : allez, on va dire que c’est de l’architecture « brutaliste », terme à la mode ce mois-ci. Mais, en tout cas, on ne compte pas le nombre de salles dans Paris intra-muros qui devrait en prendre de la graine pour mieux accueillir leur public !

2025 02 12 The Cactus Blossoms La Marbrerie (11)Cela dit, parlons de The Cactus Blossoms, un groupe d’Americana qui passait à Paris en concert pour la seconde fois, seulement, de sa déjà longue carrière – une quinzaine d’années -, et la première en « tête d’affiche ». Un groupe qui, en dépit d’albums séduisants (pour qui aime le genre…), ne draine pas encore grand monde dans les salles françaises, ce qui est bien dommage, vu la qualité du set qu’ils vont nous offrir ce soir.

20h30 : Pile à l’heure, les frères Jack et Page – qui ont des noms de famille différents, on ne sait pas (encore) pourquoi, mais qui se ressemblent -, auteurs-compositeurs-interprètes, à la guitare et au chant, de chansons ultra classiques, dans la droite ligne des Everly Brothers, de Roy Orbison, et consorts. Ils sont accompagnés de deux autres frères, à la guitare et à la batterie, et de leur cousin à la basse. Une affaire de famille, donc : Page nous expliquera en riant que c’est « Parce qu’ils ont du mal à se faire des amis ! ». Une blague ? Pas sûr, parce que s’il y a des qualificatifs – pas très rock’n’roll – qui viennent à l’esprit en les voyant sur scène, ce serait « calmes », « réservés »… !

2025 02 12 The Cactus Blossoms La Marbrerie (10)Nous voilà partis pour plus d’une heure et demie de belles chansons, qui balaient un spectre finalement assez large, du rock’n’roll à la country music, en passant par le folk rock, le tout près des racines rurales de la Folk Music originale. On peut aussi penser à ce que fait Chris Isaak, et d’ailleurs ils ont en commun l’intérêt que David Lynch a porté à leur musique (The Cactus Blossoms ont fait une apparition dans la dernière saison de Twin Peaks), mais en beaucoup moins « expansif » que « the human sprinkler » !

La setlist comprend une bonne vingtaine de titres, avec huit extraits du nouvel album, Every Time I Think About You, et le reste tiré des trois disques précédents. Il y a néanmoins une indéniable continuité dans le style des morceaux au long des années, ce qui apporte une belle cohérence au set. The Cactus Blossoms, ce sont de bonnes mélodies, une orchestration « folk-rock traditionnelle », avec parfois une petite touche Byrds, mais surtout une véritable excellence dans les vocaux. On a tendance à abuser d’un qualificatif qui semble fait pour eux et leur musique : « élégant ». Du coup, ce concert est un moment à savourer, à la « cool », entre amis, en profitant de chaque nuance délicate que les chansons apportent, chacune à son tour. Chacun y trouvera ses moments préférés, selon ses goûts : pour nous, Statues fonctionne admirablement parmi les titres lents, et Please Don’t Call Me Crazy (intitulé « Please Don’t Call Me Country », humour pince sans rire, sur la setlist !), plus exubérant vers la fin du set.

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Bon, le reproche que les plus punks d’entre nous feront à The Cactus Blossoms, c’est bien sûr leur… sérénité imperturbable. A un moment, Page réagit au calme dans la salle : « Vous êtes bien tranquilles… ! », avant de se reprendre : « Bon, il est vrai que nous aussi, on est calmes. La prochaine fois, apportez vos fruits pourris pour nous balancer dessus… ! », mais on voit bien que frérot Jack grimace à l’idée qu’il pourrait recevoir une tomate pourrie ou quelque chose du genre, pendant qu’il s’applique à bien jouer et bien chanter !

2025 02 12 The Cactus Blossoms La Marbrerie (23)Côté (plus) rock’n’roll, c’est surtout le guitariste soliste qui se charge de mettre le feu de temps à autre sur le final de certaines chansons, comme, par exemple, l’excellence reprise de Dylan, Went to See the Gypsy (« Dylan vient de Minneapolis, comme nous ! », explique Page…). Ou encore à la fin du set principal… Pour le rappel, on vivra un autre moment bien sympathique quand un fan du premier rang demandera qu’on lui joue Out Of My Mind (On Sunday), son « morceau préféré », non prévu et en fait non répété : Jack et Page s’exécuteront de bonne grâce, en nous prévenant que ça serait « mauvais » et qu’il ne faudrait pas le filmer pour mettre sur les réseaux sociaux, mais le résultat, en dépit des paroles oubliées, s’avérera parfaitement charmant !

Bref, à 22h05, personne n’a envie de quitter La Marbrerie (reste-t-il des saucisses de Morteau à la cantine ?), et on s’attroupe autour du stand de merchandising pour discuter avec les musiciens. Parfois, le Rock’n’Roll, c’est tout simple : des gens « ordinaires » qui jouent avec sincérité et générosité une musique « classique » pour d’autres gens « ordinaires », heureux d’être là. De quoi de plus aurions-nous besoin, finalement ?

Texte et photos : Eric Debarnot

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