Mustang, brillant OVNI du Rock français (chanté en Français ! Oui !) sont actuellement en tournée pour défendre leur album MEGAPHENIX. Avant de partir, ils ont bien voulu se confier à nous, et même parler de l’avenir du Rock !

Benzine Mag : Commençons par le commencement : Mustang, la jeunesse… ou plutôt la genèse ?
Jean Felzine : On s’est rencontrés en seconde avec Johan, le bassiste, et Rémi Faure qui a été le batteur jusqu’à 2020 : on a quand même passé plus de la moitié de notre vie dans le groupe ! On s’est assez vite mis à écrire des chansons, à enregistrer des démos, qui nous ont amenés à enregistrer notre premier EP, puis notre premier album en 2009.
Benzine : J’avais cru comprendre que, au début, vous étiez classé dans la scène rockabilly…
Jean : C’est le problème des Français qui ne savent pas ce que c’est que le rockabilly, tout simplement. Le rockabilly est une musique qu’on a toujours bien aimée, qui a pu nous inspirer, mais qu’on n’a jamais jouée. Allez, si je pousse, on a fait une chanson un peu rockabilly sur notre premier album, qui s’appelle Je m’emmerde : c’était le premier morceau, les gens paresseux n’ont écouté que ce titre et nous ont classé là-dedans. D’ailleurs les puristes du rockabilly ne se sont jamais intéressés à nous, car c’est une scène qui est très codifiée.
Johan Gentile : Après, peut-être que c’est une base qu’il y a dans certaines de nos chansons, qui influence qui infuse…
Jean : C’est plutôt une base rock’n’roll au sens large, rock’n’roll des années 50. Le rockabilly, c’est quelques artistes, une poignée d’albums, c’est pas tout à fait la même musique que le Rock’n’roll, comme Chuck Berry !
Benzine : Chanter en français, c’est quelque chose que peu de groupes font encore, en expliquant qu’il y a peu de public pour le Rock en France, et qu’il faut s’exporter pour pouvoir vivre…
Jean : Ceux qui disent ça ont raison, si on chantait en anglais, on tournerait davantage. Je peux comprendre le choix de ces groupes, pour des raisons économiques. Mais il y a quand même eu un petit retour du Français dans les années 2010, avec des groupes comme La Femme, qui chantaient en Français et se sont exportés. Mais c’est vrai que c’est compliqué de vivre sur un marché français qui est limité.
Johan : Sache qu’on a eu l’occasion de jouer en Grande-Bretagne, en 2014 et en 2017, où on a fait la première partie de la tournée de Blondie, 8 dates. On a été confrontés au public anglais qui ne comprend pas nos paroles : au merchandising, les gens nous parlaient de notre musique, d’un « super mélange entre les Shadows et les Clash ». Personne ne nous a même fait remarquer qu’on chantait en Français !
Benzine : Vous avez des paroles très bien écrites, avec une volonté de dire des choses intéressantes…
Jean : Ça, ça vient plutôt en fait de notre culture Rock, des disques qu’on a écoutés. Mon album préféré des Ramones, c’est le troisième, Rockets to Russia, les paroles sont géniales. Ecrites par Dee Dee, avec très peu de mots, ce sont des paroles drôles et punchy… Depuis le début, on a essayé de faire des paroles qui soient bonnes, qui soient solubles dans des tempos rapides, mais qui ne soient pas héritées de la tradition de la chanson française. Qui ne se prennent pas pour de la poésie !
Benzine : Est-ce que ça ne demande pas justement plus de travail à écrire en français, pour trouver des sonorités, un rythme qui colle avec du Rock ?
Jean : Ça aide quand on aime chanter. Moi, je chante depuis que je suis enfant, on sent les mots qui fonctionnent quand on ne fait pas du chanté-parlé. Mais, même en anglais, ce n’est pas si facile que ça d’écrire de bonnes paroles. Les paroles de Lou Reed sont superbes, même dans certains morceaux d’Elvis, où il y a deux lignes… On voulait juste faire la même chose en français : le Rock, c’est une musique directe, sans filtre, où les gens sur scène et les gens dans le public, par principe, sont les mêmes… le langage doit parler directement. C’est très important cette force immédiate, qu’un mot soit compris immédiatement ! Maintenant, l’anglais, c’est une langue magnifique. Nous, on n’a jamais essayé d’écrire une chanson en anglais, on devrait peut-être…
Benzine : Ce qui est intéressant dans ces textes, c’est qu’il y a des préoccupations vraiment en ligne avec notre quotidien…
Jean : On a toujours fait beaucoup de chansons politiques, mais il n’y a pas de message, on n’est pas donneurs de leçons. Depuis Le Pantalon en 2008, qui nous a fait remarquer, j’ai toujours écrit des paroles à partir de choses que je vois. Ce n’est pas ma vocation d’écrire des « fantaisies ». Je parle des choses que je vois… Mais on ne veut pas être militants, c’est un écueil dans la musique…
Benzine : Et votre processus de création de votre musique…
Jean : Maintenant qu’on ne vit plus dans la même ville – Johan à Clermont, moi à Montreuil, Nico, le batteur, à Paris -, on travaille à distance. Johan compose certaines chansons, moi j’écris quelques paroles et je compose d’autres chansons. On peut même mettre bout à bout des choses écrites par l’un ou par l’autre. Mais il y a une constante, on fabrique beaucoup « en amont », il faut que la chanson soit très solide déjà à l’état « guitare – voix ». Dans le dernier album, d’ailleurs, il n’y avait pas de maquettes, à une exception près. Il n’y avait que des mémos d’iPhone… En studio, il se peut qu’on manipule un peu la chanson, mais assez peu de choses…
Johan : Quand même, pour certaines chansons, il y a eu de l’évolution : Aéroport, il y avait le riff de basse, le riff de guitare, des paroles, beaucoup de paroles dans lesquelles il a fallu tailler. Là, il y a eu de l’évolution.
Benzine : Si on vous demande les musiques qui ont été importantes dans notre parcours ?
Johan : Jean et moi, on a des choses communes, on a fait une grande partie de notre parcours musical ensemble. En plus, généralement, ce qui te marque, c’est ce que tu as écouté dans ton adolescence… Jean et moi, on a écouté des disques ensemble quand on avait 15 ans, il y a ce socle de rock des années 50, le Velvet Underground, les Stooges, et puis bien sûr Nirvana (même s’il n’y a rien de Nirvana chez nous !)…
Jean : Le punk a été important pour nous, je parlais des Ramones, c’est cela qui nous a amenés au Rock des années 50. Ça nous a donné le goût de certaines provocations, de la concision, du format « pop » aussi. Tu te rappelles, Yohan, quand on a écouté le Live au Star Club de Hambourg de Jerry Lee Lewis ? Je trouvais ça encore plus fort, plus fou, plus rapide que le Raw Power des Stooges ! Il y a un autre groupe important pour nous, c’est Suicide, avec ce mélange de machines et de rock’n’roll fifties.
Et puis, à côté, le goût du songwriting, des belles harmonies : les Beatles, les Beach Boys, Polnareff en France… Nous, très vite, on a voulu faire de la jolie musique, on passe beaucoup de temps à parler de mélodies, de grilles d’accords…
Johan : On a aussi toujours eu à cœur de faire des disques variés. Tu écoutes le premier disque d’Elvis, le premier Velvet Underground, ce sont des disques où tu passes du Rock rapide à des ballades douces. Quand j’ai écouté London Calling des Clash, J’ai été impressionné par la variété des chansons. Aujourd’hui, le fait que nos disques soient variés est une fierté pour moi, je me dis qu’on a réalisé ce qui était mon rêve à 20 ans.
Jean : On a toujours écrit des ballades, ce qui pouvait laisser perplexe le public rock de nos débuts à Clermont. Pour moi, il n’y avait rien de plus rebelle que d’enchaîner un morceau très rock avec une ballade romantique…
Benzine : Aujourd’hui, le Rock est très marginalisé, et en France encore plus qu’ailleurs. Et en même temps, il y a une explosion de créativité sur la planète, dans le Rock en particulier, alors qu’il y a de moins en moins d’argent que le public est prêt à dépenser. C’est angoissant de voir ce ciseau qui se referme, non ?
Jean : Bah, le Rock n’est pas voué à être éternel, aucune musique ne l’est. Le Rock a régné de manière même injuste, culturellement, pendant longtemps. Je crois que les gens ont encore envie de voir du Rock sur scène : c’est un truc pour transpirer, pour se défouler. On en revient à des choses primitives. Sur scène, je pense donc que le Rock a encore quelques années devant lui !
Par contre, il n’y a plus de tubes de Rock à la radio. Ce qui m’attriste finalement, c’est que beaucoup de groupes, très créatifs, d’aujourd’hui, ont l’air contents d’être « à la niche » ! Prends la vague néo-psychédélique qui a été à la mode il y a quelques années : moi, je n’y entendais pas de tubes ! Ma mère, elle pourrait chanter Black Hole Sun de Soundgarden… Je trouve ça plus subversif de tomber sur un tube étrange de Rock à la radio que le fait que chacun reste dans son coin. Nous, on a toujours eu la chance d’avoir des chansons qui passent à la radio, même sur des radios de variétés. C’est difficile à faire une chanson qui puisse être un tube, mais j’aimerais bien en entendre plus dans le Rock…
Benzine : Est-ce qu’il n’y a pas aussi l’absence de moyens, pour pouvoir travailler avec des producteurs pour atteindre une perfection pop qui puisse séduire le grand public ?
Jean : Prends She’s Not There des Zombies, est-ce que ça prendrait de la même manière aujourd‘hui, ce ne sont plus les mêmes codes, les gens sont habitués à des formes différentes, plus linéaires harmoniquement, avec plus d’événements de production…
Johan : Il y a plein de gens aujourd’hui encore qui écrivent de belles choses avec de super mélodies, mais la belle mélodie n’est plus le seul critère pour les gens. Si tu vas dans un festival, tu vois que le Rock ne peut pas rivaliser, au niveau impact physique, avec de l’électro ou du Rap, qui envoient beaucoup de fréquences basses. Ce que le Rock a encore à défendre, ce sont d’autres choses : être l’une des dernières musiques jouées par des musiciens, au sens traditionnel du terme, son côté fun, en groupe…
Jean : Il y a le côté économique aussi. Pendant longtemps la manière la plus simple et la moins coûteuse de faire de la musique, c’était d’acheter une guitare à 50 balles, de trouver des copains, avec un qui avait une batterie, et de monter un groupe. Nous, on est des enfants du XXème siècle. Aujourd’hui, le plus simple, c’est d’utiliser son ordinateur, qu’on a déjà de toute façon pour faire d’autres choses… Et puis le Rock, ça coûte plus cher à enregistrer, en particulier à cause de la batterie…
Le Rock va mourir, il faut le laisser mourir, c’est dans l’ordre des choses. Finalement, on en a fait une montagne du Rock, on a beaucoup écrit dessus, mais dans deux cents ans, quand on fera un top de la musique du XXème siècle, on n’en mettra pas 50, de disques de Rock, on n’en mettra que 5 ou 10 ! En fait, quand le Rock est trop puissant, trop imbu de lui-même, il me fait chier, le Rock… Dans le fond, c’est une sorte de folk adolescent, un peu dérisoire, qui est très défoulant, qui offre beaucoup de liberté, qui n’est pas codifié. Le Rock, c’est sensé être amusant à faire, avec les copains !
Benzine : C’est quoi, l’avenir immédiat de Mustang ?
Jean : On commence la tournée début février, on espère en faire plus, de concerts… Et puis il y a le prochain album…
Johan : On a des problèmes de riches, on n’a pas de soucis de chansons, on ne manque pas d’idées. Le prochain album, on ne sait pas sur quel label on le fera, peut-être Vietnam comme celui-ci, mais au moins on a toujours des idées !
Benzine : On peut s’attendre à une révolution pour le prochain album : du Rock Progressif peut-être ?
Johan : Non, on ne passe pas à la polka (rires). En fait, l’emballage, le vernis peut changer, mais le groupe sera toujours le même. Comme Dylan a toujours fait du Dylan, dans tous les genres (rires)…
Jean : Le disque devrait quand même être un peu différent, on a clos une période. Notre période… Bleue comme en peinture ! (rires)
Propos recueillis par Eric Debarnot le 27 janvier 2025
Toutes les photos du groupe : copyright Minhia Defoy
Mustang en tournée :
07/03 – VALENCE (26) – JEAN LOUIS LE SALOON
08/03 – FRANCHEVILLE (69) – FESTIVAL ROCK A L’OUEST
14/03 – CAEN (14) – LA BANANERIE
15/03 – LA FERTE-EN-OUCHE (61) – PRINTEMPS DE LA CHANSON
29/03 – MIGENNES (89) – CABARET L’ESCALE
24/05 – CLERMONT-FERRAND (63) – LA COOPERATIVE DE MAI
31/05 – CHÂTEAU-THIERRY (02) – LA BISCUITERIE
11/06 – PARIS (75) – LE TRABENDO
pffff confondre rock progressif et polka ? yohann ?, mais quoi ??
si vous saviez jouer , un minimum, vous aimeriez le prog…
Non, ça ne s’est pas passé comme ça. C’est moi qui ait plaisanté sur le prog rock, et lui qui a répondu par une autre plaisanterie sur la polka. Nulle insulte ici de personne, ni sur le prog rock, ni sur la polka, d’ailleurs !