On n’avait pas détesté la première saison de ce Night Agent, mais, malheureusement, cette seconde volée d’épisodes reprend tous les poncifs et les travers de l’antique 24 Heures Chrono sans en adopter les généreux excès. Résultat : quasiment une purge !

Si l’on essaie de se souvenir pourquoi on était accro à 24 Heures Chrono, il y a 20 ans de ça, en dépit de ses intrigues à la marabout-de-ficelle, de ses stéréotypes d’agent secret indiscipliné mais sauvant les USA à lui seul, de ses scènes d’action exagérées, de ses complots répétitifs au sein de l’Administration infiltrée par de dangereux terroristes, et de ses éternelles menaces d’annihilation nucléaire ou chimique, la réponse tient en deux mots : Jack Bauer (c’est-à-dire Kiefer Sutherland…), était un personnage de cinéma (pardon, de télévision…) réellement « BIGGER THAN LIFE » qui délivrait ce qu’il promettait : la jouissance dans la transgression, la déviance dans le mythe, la caricature dans l’excès.
Peut-être qu’on tient là la différence majeure entre The Night Agent et 24, dont la série de Shawn Ryan revêt de plus en plus les atours : c’est que le pauvre Gabriel Basso, qui incarne platement l’Agent Sutherland (une coïncidence ?), n’a pas pas le dixième du charisme de ce vieux Kiefer, avec sa voix inimitable. En fait, l’air d’écolier perpétuellement ahuri ou au bord des larmes collait à peu près avec l’histoire de la première saison, qui le voyait passer d’un job subalterne dans une agence ultra-secrète à un rôle de sauveur de POTUS. Cette fois, ayant été promus agent à part entière, il ne fait tout simplement pas le taf (à part distribuer des mandales et courir dans des rues mal éclairées), et on se moque rapidement de tout ce qui peut lui arriver.
L’histoire de cette seconde saison est irracontable, parce qu’elle conjugue de manière étonnante des invraisemblances constantes avec une rapidité d’enchaînement des situations qui lui permet de faire à peu près n’importe quoi : on démarre par une mission qui capote à Bangkok, on poursuit avec notre argent planqué aux USA affrontant une organisation mystérieuse, on entre ensuite dans l’Ambassade iranienne pour assister aux machinations d’une employée essayant de faire fuiter des documents pour pouvoir émigrer aux US, on se trouve propulsé au sein d’une organisation prospérant sur la vente de secrets d’état aux plus offrants, on rencontre la famille d’un tyran est-européen déchu qui veut fabriquer une arme chimique développée naguère par la CIA, et on termine avec une élection présidentielle truquée. Voilà ce qu’on voit dans les 10 épisodes aussi frénétiques que sans queue ni tête, et ne vous inquiétez pas parce qu’on vous a « spoilé » quelque chose, puisque rien ne fait le moindre sens. Le pire étant quand même le personnage absurde de Rose (Lucianne Buchanan, qui arbore en permanence la même expression, quoi qu’il se passe autour d’elle), une civile qui n’a rien à faire là mais que la super-chef de la super-agence super-secrète implique naturellement dans toutes les super-secrets d’états et les super-missions super-dangereuses. Bref.
Bien sûr, ceux qui adorent l’action, les bourre-pifs, les morts violentes et horribles, les scènes de torture, bref, le tout venant de ce que le citoyen US trouve divertissant, seront satisfaits. Pour les autres, les plaisirs sont plus rares, mais peuvent être dénichés ça et là : un beau personnage trouble d’agent du gouvernement iranien, trahi par ses propres sentiments (Keon Alexander, remarquable d’ambiguïté), quelques scènes impressionnantes en Iran, une brève peinture cruelle des supporters de « l’Amérique aux Américains » (la version fictionnelle de MAGA) et de leur leader manipulé, etc. On trouve quand même toujours des petites choses qui nous font tenir le coup devant la bêtise générale de la série, son recours inepte mais régulier aux bons sentiments, sa naïveté crasse – surtout si l’on compare cette parodie d’espionnage à ce qu’on sait (?) de la « réalité » de ce métier.
Ah, une dernière chose, il semble que The Night Agent soit l’un des plus grands succès de la maison Netflix. Avons-nous besoin de ce genre de nouvelles, même si elle ne nous surprend guère ?
PS : Reviens, Jack ! Tout est pardonné !
Eric Debarnot