Dans une série en dix épisodes racontée à la première personne, Alfred de Montesquiou trace une fresque historique de la vie de César, de ses premiers déboires à Rome jusqu’à sa chute au Sénat romain.

Quoi de plus consensuel qu’un documentaire sur la vie de Jules César, me direz-vous ? Pas faux. On croit tout connaître du stratège romain qui envahit la Gaule à la tête de ses légions, et défit les peuples celtes menés par Vercingétorix à Alésia. On se rappelle l’icône qui nourrit l’imaginaire populaire d’Astérix, en France, et dont les traits nous évoquent tour à tour Alain Chabat, Benoît Poelvoorde et Alain Delon. Et de quelques phrases comme « De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves » ou plus tard le fameux « Toi aussi, mon fils… » à l’heure du trépas.
Alors, pourquoi conseiller de regarder une série en dix épisodes d’environ 26 minutes, retraçant le parcours du consul romain de sa jeunesse à Subure à sa fin sous la lame des conjurés entre les colonnes du Sénat romain ? Parce qu’Alfred de Montesquiou, auteur et réalisateur de la série, a eu trois idées plutôt efficaces pour faire d’un documentaire étiré un objet qui a quasi la saveur d’une bonne série historique.
On a tous en tête le format usuel d’un documentaire de cet ordre : des plans sur des ruines du forum romain, des coupes sur la campagne romaine et des intervenants assis devant, filmés en plan moyen ou américain, expliquant au spectateur tel ou tel point de la vie de Jules César. Le documentaire ici n’y coupe pas. Il enchaîne les interviews de spécialistes : Virginie Girod, Marie-Claire Ferriès, Christophe Badel... interviennent régulièrement pour pointer tel ou tel élément de la vie de l’homme.
Mais de Montesquiou enrichit ce format, et c’est là qu’entrent en jeu les ressorts dramatiques qui font de cette série de près de cinq heures cumulées un objet véritablement passionnant à regarder.
D’abord, le fil narratif de la vie de César est porté par la voix de Roschdy Zem, qui endosse le rôle du Romain avec la théâtralité utile à soutenir la tension dans ce qui ne serait sinon qu’une accumulation d’anecdotes et de faits historiques évoqués par la voix d’historiens. Ça marche ! On vit avec César au fil de la narration et des commentaires historiques.
Ensuite, de Montesquiou porte le récit dans chacun des lieux où se sont déroulées les « aventures » de Jules César. Ainsi, le documentaire nous conduit dans près de 16 pays, 16 théâtres d’opération ou de formation. Chaque pays interroge un historien du cru, offrant une vision multilatérale du personnage. C’est passionnant, car on se représente le tour de force de l’homme aux confins des territoires de la République romaine.
Enfin, et c’est là la troisième idée géniale de la série : comment rendre « vivant » le général romain sans passer par la reconstitution un peu cheap, tropisme de ce genre de documentaire ? Jules passe par l’animation de tableaux dessinés. Le documentaire est « aéré » très régulièrement par des animations de tableaux, de type aquarelle numérique, qui permettent de rendre les combats, banquets, sensualité vivants, en jouant sur l’imagination du spectateur.
Le résultat est une série en dix épisodes de 30 minutes, convoquant 32 experts parlant huit langues, au tournage réparti sur 16 pays, qui se dévore comme une bonne série ou un bon anime, diffusée sur Planète+.
Denis Verloes