La célèbre pastille Bref revient dix ans après dans un tout nouveau format de six épisodes d’une trentaine de minutes. Un pari audacieux, qui donne une seconde jeunesse à la création de Kyan Khojandi et Bruno Muschio sans en perdre son ADN.
« Je l’ai regardé, il m’a regardé, on s’est regardé. Bref.« . En l’espace de quelques semaines seulement à la rentrée 2011, cette phrase devient un gimmick repris partout et Bref de se transformer rapidement en un phénomène pop-culture du paysage audiovisuel et Internet français. Intercalée dans le Grand Journal de Canal +, la pastille de cinq minutes fait mouche par son ton, son rythme effréné et son humour qui vise dans la génération 80/90 un cœur de cibles tout trouvé. Le carton est assuré et toute une bande de jeunes comédiens en devenir (du créateur Kyan Khojandi à Baptiste Lecaplain, Bérangère Krief, Alice David, Kheiron et consorts) de voir dans le programme un tremplin incroyable pour la suite de leur carrière.
Un an et puis s’en va, la série devient une étoile filante et l’équipe préfère ne pas user du concept avant overdose, sans doute à raison. Des projets en pagaille pour chacun depuis, rien ne laisser présager d’un retour du programme à priori. Puis quelques affiches publicitaires ont semé le doute dans les esprits avant l’annonce officielle : Bref.2 sur Disney + le 14 février. Changement de cap donc, la chaîne cryptée laisse place à la plateforme de streaming et le format évolue également puisque la durée passe de quelques minutes à six épisodes de plus d’une demi-heure. Derrière la curiosité, quelques questions s’imposent d’elles-mêmes : comment relancer la machine plus de dix ans après l’arrêt sans faire trop daté ? Et surtout, ce changement de longueur ne va-t-elle pas desservir l’efficacité même de l’idée de base et de son écriture ?
Premiers éléments de réponse, on retrouve « Je » à 40 ans désormais. L’arc narratif choisit donc d’offrir une ellipse quasi identique au temps écoulé entre les deux saisons. De quoi nourrir le personnage principal et ses amis de nouveaux lots d’emmerdes, d’histoires de cœur, de nouvelles situations perso, de revenir dans le temps par flashback. Installer un champ des possibles riche en somme et régler ainsi cette histoire de rythme. Là où la pastille permettait à peine d’effleurer la moelle des protagonistes pour miser en priorité sur le comique de situation – et d’échouer assez régulièrement lorsque les auteurs essayaient de verser dans le pathos -, ce nouveau format est une aubaine pour faire un scénario qui tient la route.
La paire Khojandi/Navo trouve ici un terrain d’écriture aux petits oignons. Elle parvient à reprendre rapidement l’ADN de Bref et d’en modeler une mouture 2.0 très maligne. Les deux compères réussissent à mixer le cynisme du comique de la banalité à une émotion bien plus convaincante et très touchante cette fois-ci. En appuyant d’un côté comme de l’autre sur une science du détail aussi pertinente qu’intelligente qui frappera chacun d’entre nous dans son for intérieur. On pense à une série comme Master of None dans les interactions sociales ou à Man Seeking Woman lorsque chaque métaphore imaginée devient une mise en scène très cinématographique d’une drôlerie exquise.
Premier épisode en ligne gratuit sur Youtube
Les six épisodes pullulent d’idées brillantes en terme de réalisation ou de scènes: le camp d’entrainement du tonton, le roman photo Gontran, l’épisode 2 dans sa globalité, il y a vraiment de grands moments à voir et à vivre ici. Cette profusion de tentatives, de changement de linéarité permet à la saison de ne jamais s’essouffler (allez, peut-être sur le dernier épisode qui s’étire à tourner un poil en rond) et font de Bref.2 par son originalité un OVNI de l’hexagone.
Évidemment, on retrouve tout le casting original et ses évolutions avec plaisir ainsi que deux nouveaux arrivants aux rôles prépondérants: Jean-Paul Rouve en voisin rêveur un poil intrusif et Laura Felpin, parfaitement dans le moule en coloc de Je.
Et bien sûr tout un tas de trèèèèèèès nombreux cameos venus participer à la fête: McFly, Carlito, Astier, Mister V, Orelsan & Grunge, Jonathan Cohen, Alexandre Kominek, Monsieur Fraize, Grégoire Ludig et même… les Poetic Lovers! Des références culturelles, des easter eggs dans tous les sens pour tous les trentenaires et quadra d’aujourd’hui, n’en jetez plus la coupe est pleine.
Il ne fait que très peu de doutes que ce retour va être couronné de succès et il faut bien avouer que le divertissement est à la hauteur des attentes, en mettant la barre bien plus haute qu’elle ne l’était auparavant. Au vu des pistes scénaristiques et du buzz, une troisième saison ne devrait pas être loin, ou tout du moins une partie 2 de celle-ci est peut-être même déjà dans les starting-block… Et on prend !
Alexandre De Freitas