Phonetics On and On est le second album du trio new-yorkais Horsegirl : plus « indie pop minimaliste », il marque une évolution significative, avec des guitares nues, des sonorités épurées, des mélodies vaporeuses mais gracieuses, des vocaux légers. Un disque bien ordonné qui mélange (fausse) simplicité et raffinement…

Dès le court – mais réjouissant – morceau d’ouverture de Phonetics On and On, Where’d You Go, on mesure combien Gigi Reece, Nora Cheng et Penelope Lowenstein ont évolué – progressé ? – depuis leur premier album (Versions of Modern Performance), ce qui, me direz-vous, est logique vu leur très jeune âge. Si leurs débuts avaient un côté « noisy » sympathique, mais qui venait probablement largement des « aînés » qui avaient aidé à la création du disque (John Agnello, Steve Shelley, Lee Ranaldo !), on change nettement de « genre » cette fois : en une minute quarante, on découvre qu’elles ont habillé d’un duo vocal charmant la structure magique inventée par le Velvet, en particulier dans leur troisième album. Et c’est emballant !
Mais le second titre, l’encore meilleur Rock City, apporte son lot de références un peu peu plus pointues : on pense aux Feelies dans leurs passages les plus champêtres et à Young Marble Giants pour les vocaux éthérés portant une très belle mélodie. Et, quelles que soient les références, pas si importantes que ça puisqu’il est clair que Horsegirl développent ici pleinement leur style à elles, Rock City indique la voie pour le reste de l’album. In Twos, plus lent mais dans le même registre, est une pure merveille.
2468 adopte d’abord une atmosphère « folky », avec sa guitare acoustique, mais s’élève vite vers l’extase avec ses « lalalalalalalala » qui font office de crescendo. « They walk in twos… » (Elles marchent par deux), adlib : répétez et répétez alors que la tension monte de manière magique. Quel groupe ! Well I Know You’re Shy, avec sa jolie mélodie pop, séduira bien des inconsolables depuis la disparition des Go Betweens. Julie, minimaliste et dépouillé, creuse la piste Young Marble Giants, et ce n’est pas nous qui nous en plaindrons, surtout quand, derrière le voile de suavité, la guitare électrique pousse de petits cris d’animal doux.
Alors que deux des filles (Penelope et Nora) poursuivent leurs études – elles sont sorties du lycée à Chicago et sont maintenant à l’université à New York -, et que le groupe juvénile et précoce continue à inventer sa route, ce deuxième album de Horsegirl a gagné en raffinement grâce à une production très intelligente de Cate Le Bon, qui a rendu leurs chansons infiniment chaleureuses et agréables, sans transiger avec ce minimalisme qui est essentiel à leur musique.
Switch Over est une scie indie rock irrésistible, sur une basse mélodique qui permet aux lalala, dadadada et oohoohooh de s’épandre à leur aise, alors que la guitare velvetienne tue dans l’œuf tout risque de mièvrerie. Information Content sautille comme une écolière qui joue à la marelle sur un trottoir marqué à la craie : comment ne pas jouer avec elle, comme si la magie de notre enfance, de notre jeunesse resurgissait tout naturellement, par la grâce de la magie de ce trio littéralement enchanté ? Mais Information Content est aussi un titre-clé, car si les textes des chansons de Horsegirl paraissent largement anodins – cryptiques, brumeux ou simplement remplacés par ces fameux ohohoh et tadatada -, la chanson explique (un peu) la démarche des filles : « Not much to hear, « Ah-hoo, ah-hoo, ah-hoo » / It’s never dull when l’m alone / I’m translating my talk to tones / I’ll play you out, « Ah-hoo, ah-hoo, ah-hoo » » (Pas grand chose à entendre, « Ah-hoo, ah-hoo, ah-hoo » / Ce n’est jamais ennuyeux quand je suis seule / Je traduis mon discours en tons / Je vais te jouer, « Ah-hoo, ah-hoo, ah-hoo »).
Le trio final de l’album, Fontrunner, une rêverie folk plus classique, le très velvetien Sport Meets Sound, et I Can’t Stand To See You, final enlevé et souriant, fournissent un parfait résumé de ce qui a précédé, concluant un album dont certains critiques ont relevé la méticulosité de la construction, le sentiment d’un disque bien ordonné, créé avec soin et patience, mais également légèreté.
Le grand paradoxe de Phonetics On and On, c’est que toute cette « sagesse » pourrait résulter en une musique superficielle ou ennuyeuse, mais se révèle absolument magique.
Eric Debarnot
Horsegirl – Phonetics On and On
Label : Matador Records
Date de sortie : 14 février 2025