[Live Report] Jack White et Bleakness au Trianon (Paris) : l’heure bleue

Mr. Jack White était en ville, cette semaine, pour trois dates qui ont beaucoup excité tous les amoureux de son Rock à la fois traditionnel et « ledzeppelinesque ». Nous y sommes bien sûr allés, et voici un premier avis de nos rédacteurs, en attendant la suite…

2025 02 23 Jack White Trianon (3)
Jack White au Trianon – Photo : Eric Debarnot

Le retour discographique de Jack White dans le cœur de ses vieux fans avec No Name, un album qui reconnectait l’ex-héros des années 2000 avec la dernière période des White Stripes, celle de Icky Thump, a été spectaculaire. La décision de Jack d’éviter de jouer à Paris dans un grand hall façon Zénith, mais de nous offrir trois concerts à taille humaine dans des salles aussi chaleureuses que la Cigale et le Trianon, tout en mettant un terme à sa stratégie anti-photographies et anti-smartphones, a encore aidé à faire remonter sa cote au plus haut. Ce qui fait que, de vendredi à dimanche, Paris a vécu à « l’heure bleue », celle de Mr. Jack White. Et ma foi, sans faire forcément partie de ceux qui le vénèrent, cela faisait très, très plaisir de voir un Rocker, un vrai, même si ses tendances puristes / traditionnalistes ne sont pas non plus notre tasse de thé, en haut de l’affiche (ou presque…).

Les retours sur les sets du vendredi (à la Cigale) et surtout du samedi (au Trianon) ayant été très positifs, nous voilà dans la queue très tôt devant le Trianon, cinq heures avant l’ouverture des portes, afin de garantir une bonne place pour pouvoir profiter du spectacle ! La longue attente, au soleil (un luxe…), et entourés de passionnés partageant leurs meilleurs souvenirs et leurs plus belles expériences avec Jack, et harnachés de leurs tote bags remplis d’achats à la boutique éphémère de Third Man Records, est un bon moment de convivialité « rock’n’roll » comme on en vit finalement peu désormais : l’un des effets secondaires de Mr. Jack, sans aucun doute.

2025 02 23 Bleakness Trianon (5)A 18h45 – oui, la soirée a commencé tôt -, ce sont les rockers de Lyon, Bleakness, qui ouvrent le bal. Ils jouent un punk hardcore plutôt US, énergique, enflammé, mais sans réelle surprise, un peu trop respectueux des standards du genre. Le chanteur a un style conforme à celui imposé à l’époque par des « leaders d’opinion » comme Fugazi, qui correspond aux textes engagés et sombres du groupe, mais on est plus surpris par le « look Ramones » du bassiste, un peu décalé mais bien sympathique. Le son est excellent, le trio en veut, mais on a du mal à se passionner pour tout ça. Un groupe qui n’a peut-être pas encore l’envergure pour jouer dans une salle de cette taille, et qu’il faudrait revoir dans des conditions plus appropriées, dans un petit club rempli de punks acharnés…

Il est 19h45, et Mr. Jack White – baigné bien entendu de lumière bleue – entre sur scène avec son « power trio » d’accompagnateurs : on sait, avec lui, ça fait quatre, mais il convient de saluer d’emblée la performance remarquable que vous nous offrir ces musiciens redoutables, tant du point de vue virtuosité, énergie que cohésion. La section rythmique de Patrick Wheeler (ex-The Raconteurs, mais aussi ex-Afghan Whigs) et Dominic Davis s’est immédiatement avérée une formidable machine – à la fois en termes de puissance et de précision -, parfaite pour que Jack puisse y poser en toute tranquillité ses riffs blues rock traditionnels aussi bien que ses solos « à la Jimmy Page ».

2025 02 23 Jack White Trianon (14)

La setlist variant tous les soirs, les paris étaient ouverts sur ce que jouera Jack ce soir, mais on savait qu’il nous offrirait un melting pot d’extraits de No Name et de titres des White Stripes, des Raconteurs et de The Dead Weather, avec quelques rares retours en arrière sur sa carrière solo. Le tout casé en 1h20 minutes, puisque c’est la durée annoncée à l’avance pour toute la tournée. Pas très long ? Non, en effet, mais Jack s’est défendu des accusations de pingrerie en affirmant préférer la qualité à la quantité, l’intensité au délayage !

Et de fait, nous aurons droit à ces fameuses quatre-vingt minutes, y compris un rappel de quatre titres se terminant forcément par Seven Nation Army, constituées d’une bonne vingtaine de titres enchaînés sans une seconde de pause (un peu à la manière Pixies…). Avec un maximum d’intensité, avec un niveau « d’engagement » de Jack qui nous a paru bien supérieur à celui de ses précédentes tournées…

2025 02 23 Jack White Trianon (14)… et donc avec un public ravi et bouillonnant, dans la fosse comme aux balcons (même s’il semble que la salle ait été bien plus chaude la veille au soir…). Le set monte d’ailleurs en puissance au fur et à mesure de la soirée, culminant par quatre derniers titres féroces, pleinement satisfaisants. Et puis, à la fin, il faut bien admettre que Seven Nation Army, même si son riff est un peu usé par son multi-usage immodéré dans les stades de foot, met toujours les larmes aux yeux, gonfle toujours le cœur, comme les grandes hymnes rock doivent le faire.

Pourtant, pourtant, et c’est là que les fans reconnaîtront que nous ne faisons pas partie de leur cercle, il nous a été difficile de trouver ça vraiment passionnant : dans le fond, ce respect des racines, repassées au filtre « Led Zep », a tendance a laminer toues les chansons, qui sonnent toutes un peu pareilles, au point qu’on a même du mal à les reconnaître. Energie, enthousiasme, intensité, oui. Virtuosité aussi, bien sûr, ce qui ravit les passionnés de technique instrumentale. Mais, pour nous, cette musique n’a finalement pas grand-chose à nous dire d’intéressant, de pertinent. De touchant. D’humain. Jack White joue – mais ça a été toujours le cas depuis la fin des White Stripes – une musique pour les gens qui aiment la musique bien jouée, bien fidèle à une certaine philosophie de ce que doit être le rock « classique ». D’ailleurs, quand il s’en est éloigné pour se frotter à des tendances plus modernes, dans ses disques précédents, sa « formule » fonctionnait mal… D’où ce retour (brillant) dans son pré carré que constitue No Name.

Il y a eu pour nous, au milieu de ce maelstrom de Rock brûlant, un moment particulièrement révélateur : la reprise du sublime You’re Pretty Good Looking (For a Girl). A la fois massacré, malvenu au milieu des bolides rutilants de la setlist, ce titre jadis bouleversant quand il était chanté et joué par Jack et Meg, avec leurs ressources limitées et leur esprit punk DIY, est désormais une anomalie. Il n’empêche que De Stijl était un chef d’œuvre absolu et bancal. Le genre de choses que Jack White, à près de cinquante ans mais en paraissant dix de moins, ne sait plus faire.

Texte et photos : Eric Debarnot

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.