Sept ans se sont écoulés depuis l’excellent Shadow People qui avait fait la pleine lumière sur le duo/couple perpignanais The Limiñanas. Faded en est une suite tout aussi appréciable avec ce même esprit rock psyché très 70’s, où les inspirations britanniques sont ici rejointes par la culture musicale hexagonale.
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Longtemps trésor caché dans l’arrière salle, le couple Marie et Lionel Limiñana a su patiemment attendre son heure pour sortir du bois et devenir l’un des noms les plus vénérés de la scène garage-rock française de ces dernières années. Convoité de toutes parts après l’explosion et la consécration Shadow People en 2018, on a l’impression d’avoir vu The Limiñanas à peu près partout depuis mais finalement surtout chez les autres. Un disque avec Laurent Garnier (De Pelicula), des compositions pour bandes-originales de film, le duo a su diversifier ses activités avec la même base qualitative et il était désormais temps de revenir à soi.
Faded est de fait le premier disque estampillé du groupe depuis sept ans, et si l’on sait à peu près à quoi s’attendre, à savoir ce rock aux effluves psyché des 70’s, c’est avec un peu de curiosité et surtout d’excitation qu’on lance la galette. Pas de surprise effectivement, les Limiñanas ne connaissent que trop bien leur terrain de jeu pour ne pas en réciter les gammes à la perfection. C’est plein de sueur, poussiéreux, ça sent le cuir de santiags et la bière d’un bar miteux du fin fond du Dakota. Le paradis en somme.
Ne pas verser dans le stéréotype pour autant, Madame et Monsieur sont plus malins que de simples décalqueurs et adorateurs d’un genre passé. Ils se l’approprient et le traversent avec leurs propres propositions. Pour se faire, ils s’appuient sur un point habituel chez eux mais fondateur ici : les invités. Avec un casting 5 étoiles et international, ils peuvent ainsi faire vivre leurs créations au gré de leurs pérégrinations. Là où ils vont aller chercher leurs influences outre-Manche, on retrouvera les vénérables Bobby Gillepsie (Prisoner of Beauty) ou Jon Spencer, tandis qu’ils peuvent toucher la fibre pop française via Anna Jean (de Juniore) et le proche Bertrand Belin, comme toujours comme un poisson dans l’eau à chaque apparition avec le duo (petit tube J’adore le Monde, l’excellent Tu Viens Chérie et Autour de chez moi ).
Pendant plus de cinquante minutes, Faded déroule un impressionnant spectre de ce que peut être une définition large du rock’n’roll. L’enchainement d’invités ne donne jamais le sentiment d’écouter une compilation ou un collage de titres. L’ensemble se veut homogène et cohérent sans être trop linéaire, et c’est un gage de réussite. Il se dégage une force commune, que l’on soit dans des registres blues, garage, indie, ou même clairement yé-yé (Faded et la très belle reprise de Françoise Hardy Où va la chance pour clore l’opus), tous unis par le même amour d’une époque chérie et respectée par The Limiñanas.
Pour preuve, le duo s’est inspiré des stars et notamment actrices des années 50 et 60 et de leur déclin, pour leur rendre hommage ici au travers des textes. Une énième passerelle avec le monde du cinéma, jamais bien loin de leur univers tant la musique du couple est cinégénique. A chaque morceau ou presque, on peut s’imaginer l’entendre dans un film de Tarantino, ou de n’importe quel réalisateur un peu indé et/ou destroy.
Un retour en grâce pour The Limiñanas qui parviennent à s’imposer un peu plus encore comme une référence hexagonale très respectable, en maintenant ce parfait équilibre entre exportation vers l’international et capacité à résonner très français. Une force de frappe précieuse pour un groupe qui l’est tout autant.
Alexandre De Freitas