Nos 50 albums préférés des années 70 : 12. Funkadelic – Maggot Brain

Pas forcément les « meilleurs » disques des années 70, mais ceux qui nous ont accompagnés, que nous avons aimés : aujourd’hui, Maggot Brain de Funkadelic, grand barnum barré où rock et funk fusionnent sous des effluves psychédéliques.

Maggot Brain image

Accrochez vos ceintures, car rien n’a jamais été simple avec Funkadelic, aussi bien musicalement qu’historiquement ! A la base, l’entité est créée pour identifier les musiciens accompagnant sur scène The Parliaments, groupe de doo-wop et de rhythm & blues des années 60. Sauf que le band va finalement connaître des heures de gloire bien supérieures à celles de son supposé prédécesseur, avant que ce dernier ne ressuscite en version funk barré et connaisse à son tour le succès à la fin des seventies sous le nom de… Parliament.

Tout ceci finalement n’est que purement administratif. En réalité il existe un fil rouge, sorti d’un seul cerveau, excentrique, ce lui de George Clinton. Celui qui est considéré aujourd’hui comme l’une des influences majeures du rap californien, et notamment de la mouvance P-Funk, a mené de main de maître (non) cette dynastie collective au destin entrelacé. Si Parliament sera la quintessence d’un esprit funk futuriste/psyché dansant, Funkadelic restera longtemps son pendant plus rock et blues, à l’esprit soul. Portée par une inspiration et un appétit sans limite, la troupe va sortir neuf albums en à peine six ans avant de virer à son tour vers des sonorités plus funk et disco.

Les trois premiers volets garderont une place à part dans la discographie puisqu’ils sont l’œuvre de la formation originelle, avant que trois membres ne prennent la poudre d’escampette pour des histoires de drogues et de gros sous… Et non des moindres, puisque parmi les partants se trouvent le génial guitariste Eddie Hazel, dont l’importance sur ce Maggot Brain est vitale.

C’est bien simple, le retentissement de ce troisième et dernier album de la trilogie repose sur le titre éponyme. Introduction de l’album, Maggot Brain est LE morceau signature du groupe. Dix minutes instrumentales entrées dans la légende, où la guitare électrique d’Hazel pleure le décès imaginé de sa maman. Le tout en une prise. Un monument de rock psychédélique, à l’effet aussi touchant que planant.

L’influence du jeu d’un Jimi Hendrix, tout juste disparu, est évidente, et totalement assumée. Super Stupid, l’autre titre de l’album incarné par Eddie – plus percutant celui-ci – est un hommage là aussi à peine déguisé. Derrière tout ça, il est évidemment question de relais dans la scène rock, et Funkadelic vont se retrouver à la croisée des chemins entre l’esprit hippie de la fin des 60’s, la représentation de la culture afro-américaine et la place laissée vacante par Hendrix, bien malgré lui. Un Hit It and Quit It représente bien cet équilibre entre les deux forces que le collectif entend marier. Des effets de guitares saturées qui se percutent à une espèce de rythme plus soul, avec son chœur de voix en background.

Le mouvement contestataire a trouvé une caisse de résonance dans l’envie d’émancipation et de rébellion chez les Noirs aux Etats-Unis. Depuis plusieurs années déjà fourmillent des œuvres coup de poing où sexe, drogue et rock’n’roll font bon ménage. On pense au livre PIMP d’Iceberg Slim, au courant de la blaxploitation qui va déferler sur les 70’s, et donc à Funkadelic qui va être l’étendard musical de cet esprit à la fois destroy, violent et libérateur : une explosion créatrice pleine de revendications et d’idées folles.

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wikimedia

Terrain d’expérimentation, Maggot Brain est un joyeux bordel totalement jouissif où toutes les fantaisies sont possibles. Si Clinton laisse à ses copains la place nécessaire pour exprimer leurs envies, il n’est pas en reste pour développer des trésors d’originalité sous psychotropes. Back in Our Minds et le collage final Wars of Armageddon sont les pièces les plus hallucinées du puzzle, là où You and Your Folks, Me and My Folks et Can You Get That font preuve d’un groove à mi-chemin entre la défonce et le charnel.

S’il n’est ni un succès commercial, ni un disque pour le grand public, Maggot Brain reste aujourd’hui une influence majeure pour bien des artistes. De grands disques d’aujourd’hui (Voodoo et Black Messiah de D’Angelo, Awaken My Love! de Childish Gambino, To Pimp a Butterfly de Kendrick Lamar, ou tout ce qu’a pu sortir Outkast) se revendiquent clairement de cet héritage musical, où la fusion des styles reste le meilleur moyen de s’affranchir des barrières socio-culturelles.

Alexandre De Freitas

Funkadelic – Maggot Brain
Label: Westbound
Date de sortie: 12 juillet 1971

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