The Wombats – Oh! The Ocean : Une formule qui fonctionne encore !

Egaux à eux mêmes, mais persistants dans l’excellence pop tout en sachant évoluer – un peu – à chaque album, The Wombats reviennent avec un autre disque qui réjouira ceux qui aiment les chansons vitaminées et ensoleillées, cachant mal être et questions existentielles douloureuses.

The Wombats
© 2025 The Wombats

Dix-huit ans après leurs débuts avec leur superbe A Guide To Love, Loss & Desperation, avec son « tube » irrésistible de danse dépressive, justement intitulé Let’s Dance to Joy Division, les Liverpuldiens (d’origine, car aujourd’hui Matthew Murphy, leur leader, préfère le soleil californien – mais jusqu’à quand ?) de The Wombats nous reviennent avec Oh! The Ocean, leur sixième album studio. Reviennent ? Mais ils ne sont jamais partis, puisqu’ils ont régulièrement produits des albums qui ont impacté les charts dans pas mal de pays – un exploit pour un groupe de rock aux mélodies « pop » traditionnelles -, sauf en France où ils restent largement ignorés. D’ailleurs nous avons fait un sondage dans la queue devant une salle de concert de rock indie, et il n’y avait pas une personne sur dix qui connaissaient le nom des Wombats, et on ne vous parle pas des « mammifères marsupiaux fouisseurs, jadis appelés phascolomes, vivant dans les forêts montagneuses d’Australie » (Merci, Wikipedia !) qui leur servent de mascotte !

Oh The OceanMais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, nous allons vous parler de cet Oh! The Ocean, qui, après le sympathique Fix Yourself, Not The World datant d’il y a trois ans déjà, prouve que la « formule Wombats » fonctionne toujours aussi bien. Une formule fondamentalement inchangée, mais avec ces petites variantes, à chaque album, qui permettent de se dire que le groupe évolue sans perdre ses fondamentaux (sans parler du fait qu’elles permettent des messages promotionnels du type : « Ce nouvel opus marque une évolution notable dans leur parcours musical, mêlant leur énergie caractéristique à une profondeur émotionnelle inédite. », et donnent du grain à moudre aux rédacteurs d’articles sur Benzine Mag !). Bon, il faut aussi préciser en aparté que Matthew Murphy sort également des albums « solo » sous le nom révélateur de Love Fame Tragedy, une carrière parallèle sur laquelle il faudra quand même un jour se pencher…

Dès l’ouverture avec Sorry I’m Late, I Didn’t Want To Come, le ton est donné : une mélodie entraînante contraste avec des paroles évoquant l’anxiété sociale, illustrant le talent bien connu du groupe pour marier légèreté musicale et thématiques plus sombres, sorties de l’esprit tourmenté de Matthew Murphy. Cette fois, Murph admet – et ironise sur – son côté associable, le reliant indirectement à ses tendances alcooliques (dont il semble s’être débarrassé) : « It’s not that I hate you, I just hate everyone / I don’t want to socialise unless I’m getting numb » (Ce n’est pas que je te déteste, je déteste juste tout le monde / Je ne veux pas socialiser à moins de m’engourdir). Le plus intéressant étant la lucidité dont il fait preuve : « I’m aware that I’m the problem / But that doesn’t solve the problem » (Je suis conscient que je suis le problème / Mais cela ne résout pas le problème).

Can’t Say No poursuit dans le même registre, celui de l’introspection transformée en chanson gaie, mais déçoit un peu : aucun doute qu’il aurait été plus astucieux de placer en seconde position le réjouissant (?) et excitant Blood on the Hospital Floor, probablement LE tube potentiel de l’album, du pur Wombats ! Une chanson dont on sent qu’elle donnera toute sa puissance sur scène, avec son refrain facile à reprendre en chœur, plein d’un remarquable mais faux optimisme : « Blood on, blood on, blood on the hospital floor / You think it’s worse than it is / Looks bad but it’s easy to fix » (Du sang, du sang, du sang sur le sol de l’hôpital / Tu penses que c’est pire que ça ne l’est / Ça a l’air grave mais c’est facile à réparer). N’empêche qu’on rêve d’un album avec quatre ou cinq chansons de ce calibre.

Kate Moss est l’un des morceaux qui traduisent le plus clairement les tentatives d’évolution stylistique du groupe : orchestrée de manière plus électronique mais aussi plus raffinée, c’est une chanson lente, subtile, et profondément triste, qui s’avère réellement touchante, puisqu’il n’est plus question ici de « semblant ». S’ensuit un Gut Punch qui paraît d’abord suivre le même schéma avant de « s’ouvrir » mélodiquement, dans des sonorités vaguement futuristes. On en arrive à la seconde pièce maîtresse du disque, My Head Is Not My Friend, une chanson pop très accomplie, qui s’inscrit insidieusement dans notre cortex au bout de deux ou trois écoutes, alors qu’il s’agit bel et bien d’une réflexion douce amère sur la tentation de se renfermer dans un cocon de tranquillité intime, de douceur, pour échapper au tumulte.

La seconde face débute par un I Love America And She Hates Me extraverti et légèrement funky, un faux titre « commercial » traduisant le mal être de Murph, expatrié sous le soleil de Californie, et vivant ce que beaucoup considéreraient comme « sa meilleure vie ». Au centre de la chanson, on trouve ses préoccupations devant la violence des armes, omniprésentes. On se demande évidemment ce qui aura changé dans sa tête sur ce sujet au cours de ces dernières semaines. The World’s Not Out To Get Me, I Am est le titre le plus enlevé, lyrique presque, de l’album, légèrement « surproduit » peut-être, pour le coup, avec ses « ooh ooh ooh » un peu faciles. Grim Reaper est paradoxalement plus accueillant… pour une chanson sur la Mort : plus sincère, plus « près de l’os » peut-être. Reality is a Wild Ride est bien moins notable, sans doute la chanson la plus dispensable du disque. Dispensable, mais pas mauvaise, attention ! D’ailleurs les Wombats sont ils capables d’écrire et de jouer de mauvaises chansons ?

Heureusement, Oh! The Ocean se clôt sur deux  très bons titres : d’abord Swerve (101), qui démarre de manière assez rock, avant d’exploser dans un refrain qui semble pour une fois (presque) totalement joyeux, avant qu’on prête attention à ce que chante Murph : « Everything I enjoy / Becomes an obsession until I’m destroyed » (Tout ce que j’apprécie / Devient une obsession jusqu’à me détruire) ! Ensuite la très belle conclusion de Lobster, qui sonne tout à fait « californien », et laisse espérer que la dépression liverpuldienne pourra être guérie par le soleil et la proverbiale superficialité de la Californie.

Nous quittons donc The Wombats sur une note positive. Comme si un renouveau était réellement possible, comme si, avec l’aide du temps qui passe, de l’exil au soleil, et peut-être aussi de la capacité d’exprimer son malaise et ses interrogations dans des chansons, un peu de bonheur ou au moins de tranquillité était possible.

Eric Debarnot

The Wombats – Oh! The Ocean
Label : AWAL Recordings
Date de sortie : 14 février 2025

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