« Black Dog » de Hu Guan : Chienne de vie

Porté par un réel talent de metteur en scène, Black Dog chronique (une fois de plus) le miracle économique chinois vu depuis le pays profond. Il finit hélas par s’enfermer dans un symbolisme à la truelle.

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Le cinéaste chinois Hu Guan arrive donc dans les radars cinéphiles français alors qu’il a débuté au milieu des années 1990. Cependant, contrairement au Hongkongais Soi Cheang, il ne disposait même pas d’un petit culte auprès de ceux et celles qui ne se contentaient pas du cinéma asiatique exploité dans les salles françaises. Blockbuster à très gros succès en Chine, son film sur le Fort Alamo chinois de 1937 (La Brigade des 800) sorti en France en VOD n’a pas vraiment eu d’écho chez les asiaphiles hexagonaux.

Mais en 2024 Black Dog a été montré à Cannes dans la section Un Certain Regard et y a été remarqué et primé. Le film coche sur le papier un certain nombre de cases d’un cinéma habitué des grands festivals, notamment asiatique. Se déroulant juste avant les Jeux olympiques d’été de Pékin, le film appartient à la catégorie des chroniques de la modernisation de la Chine vue du pays profond. Comme les films de Jia Zhangke, acteur ici. Il fait partie des films usant d’une symbolique animale (et même canine, comme le hongrois White God, montré sur la Croisette en 2014). Son personnage principal est peu bavard, à l’instar de certains héros de Kitano et de Park Chan-wook (Sympathy for Mister Vengeance).

Le film se distingue cependant par le choix de son décor : d’un côté une de ces villes sinistrées mille fois vues dans le cinéma chinois récent, de l’autre le Désert de Gobi et son allure de Far West chinois. Un décor filmé par Hu Guan dans un superbe Scope. Sorti de prison, Lang (Eddie Peng) revient dans sa ville natale. Travaillant pour la patrouille locale chargée de débarrasser la ville des chiens errants, il se lie d’amitié avec l’un d’entre eux. Le film fonctionne à peu près tant que le chien errant ne devient pas un élément central du récit. Quand c’est le cas, les effets de miroir entre le chien et la destinée d’un Lang souhaitant surmonter son passé deviennent de plus en plus lourds.

Surtout, le film arrive alors que l’époque a changé dans cette partie du globe. L’énorme succès récent en Chine de la série Blossoms Shanghai de Wong Kar-wai reflète un pays désormais nostalgique de ses Trente Glorieuses. Reste à savoir quel type de cinéma ce nouvel état d’esprit de l’opinion publique locale engendrera. Et à espérer que le réel talent de metteur en scène de Hu Guan se mettra au service de matériaux scénaristiques plus convaincants.

Ordell Robbie.

Black Dog
Film chinois de Hu Guan
Avec : Liya Tong, Eddie Peng, Jia Zhangke…
Genre : Drame
Durée : 1h50min
Date de sortie en salles : 22 janvier 2025

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