Le jeudi, c’est chanson. Une chanson qui inspire particulièrement l’un de nos rédacteurs. Aujourd’hui, l’inoubliable version live de Porcherie des Bérus, à l’Olympia pour les adieux du groupe.
John Lennon avait eu cette phrase, qui humilia les rockers français pour l’éternité : « le Rock français, c’est comme le vin anglais ». Et pourtant, pourtant, si nous n’avons jamais eu de Beatles, de Stones, de Pink Floyd ou autre Led Zep en France, nous avons eu les Bérus.
Le milieu des années 80 fut un moment unique dans l’histoire du Rock français, non, de toute la musique française, qui vit la (brève) prise de pouvoir dans l’arène musicale par une tribu terroriste, une tribu drôlement terrifiante parce que terriblement vraie, sincère, en phase avec la réalité de nos villes et de nos banlieues. La conscience politique – au sens global, pas au sens que les politiciens professionnels lui confèrent – est indéniablement une force française, et Bérurier Noir ne pouvaient exister au milieu de l’individualisme efficace et commerçant du monde anglo-saxon. Tant pis pour eux. Tant mieux pour nous, parce que nous avons eu, chez nous, durant de courtes années – de courts mois plutôt – le plus beau chant de rébellion que le Rock ait pu engendrer.
Si, à l’époque, dans les cours des collèges, voire des écoles primaires, les enfants chantaient, devant leurs parents horrifiés, le refrain de l’Empereur Tomato Ketchup, si dans les rades punks de Paris, on préférait brailler Salut à Toi !, c’est quand même le morceau Porcherie qui fera passer définitivement François et Loran à la postérité. Pour une excellente raison : l’enregistrement public à l’Olympia des concerts d’adieu du groupe les 8, 9 et 10 novembre 1989 où la troupe des Bérus et son public survolté livrèrent des versions incandescentes de cette chanson anti-fasciste, un sommet de colère et de fraternité mêlées, que personne qui était dans la salle n’oubliera jamais. Pour beaucoup de raisons détestables, qui rallument à chaque fois le besoin de la reprendre, de la réactualiser : les scores croissants de l’extrême-droite, en France, en Europe, et aujourd’hui même l’arrivée au pouvoir aux US du duo Trump–Musk (qui aurait fait un excellent sujet pour une chanson des Bérus, d’ailleurs)…
Porcherie fut originellement publiée sur le second album – excellent par ailleurs – de Bérurier Noir, Concerto pour détraqués (1985), mais ne se fit pas particulièrement remarquer au milieu des 11 grenades dégoupillées du disque. Les paroles originales, citant Le Pen dans sa conclusion, ne contiennent pas encore le flamboyant final qui fit la célébrité de la chanson. La version « définitive », live (à l’Olympia), se trouve sur Viva Bertaga, sorti après le split du groupe. Si l’on interroge Wikipédia sur Porcherie, voici ce qu’on peut lire : « Porcherie est une chanson du groupe français de punk rock Bérurier Noir, sortie en 1985. Elle dresse un portrait critique du monde et un discours hostile au capitalisme, à la répression politique et à l’extrême droite. Le titre est rallongé en concert à partir de 1988 du refrain scandé « La jeunesse emmerde le Front National ! ». » Tout cela est juste, totalement pertinent, mais reste loin, très loin de ce que l’on ressent en regardant les images fameuses filmées à l’Olympia. En les regardant, en les écoutant, ces jeunes gens en colère. Des images, des sons qui nous serrent le cœur, qui nous font monter les larmes aux yeux. Mais surtout qui nous rappellent que cette chanson, déjà transmise de génération en génération depuis sa création, doit toujours être chantée en chœur… Que le combat doit continuer, et qu’il nous incombe, à nous, de le faire.
Eric Debarnot
Porcherie – les paroles :
Le monde est une vraie porcherie
Les hommes se comportent comme des porcs
De l’élevage en batterie
A des milliers de tonnes de morts
Nous sommes à l’heure des fanatiques
Folie, oppression scientifique
Nous sommes dans un état de jungle
Et partout, c’est la loi du flingue
Prostitution organisée
Putréfaction, gerbe et nausée
Le Tiers-Monde crève, les porcs s’empiffrent
La tension monte, les GI’s griffent
Massacrés dans les abattoirs
Brûlés dans les laboratoires
Parqués dans les cités-dortoirs
Prisonniers derrière ton parloir
Et au Chili, les suspects cuisent
Dans les fours du gouvernement
En Europe, les rebelles croupissent
Dans les bunkers de l’isolement
Un homme qui éclate en morceaux
Dynamité par des bourreaux
Des singes conduits à la démence
Beethov’ devient ultra-violence
D’un côté, le système monétaire
De l’autre, l’ombre militaire
Tout finit en règlement de comptes
A coup de schlagues, le sang inonde
Flic-armée : porcherie !
Apartheid : porcherie !
DST : porcherie !
Et Le Pen : porcherie !
Grouene grouene gronch
Grouic grom grouic
Grouinc grouinc……