Troisième volume des aventures de Mick Hardin, La Loi des collines est une nouvelle réussite d’un des auteurs majeurs du noir américain. Le Kentucky y est, une fois encore, le décor d’une intrigue policière au service d’une réflexion sur la justice et la responsabilité individuelle.

En janvier 2024, on avait dit tout le bien que l’on pensait des Fils de Shifty, deuxième apparition de Mick Hardin, un enquêteur militaire qui, à chacun de ses retours dans les montagnes du Kentucky, se voit confronté à de sombres affaires criminelles. Chris Offutt ne change pas de formule avec ce troisième volume, La Loi des collines. Après des années de service au sein du CID, la division des enquêtes criminelles de l’U.S. Army, Hardin a décidé de raccrocher et de profiter de sa retraite. Avant de partir pour la Corse où il a prévu de s’installer, il revient une nouvelle fois à Rocksalt, la petite ville où il a grandi et où sa sœur, Linda, exerce la fonction de shérif. A son arrivée, celle-ci est d’ailleurs bien occupée à tenter de résoudre un nouveau meurtre, probablement lié à des combats de coqs illégaux. Gravement blessée lors de son enquête, Linda ne peut poursuivre ses investigations. Mick prend donc le relais afin d’identifier le coupable et de venger sa sœur.
Ceux qui connaissent l’œuvre de Chris Offutt le savent bien, l’écrivain originaire du Kentucky est un peu l’anti-Ellroy. Aux intrigues touffues et tonitruantes de l’auteur du Dahlia noir, Offutt préfère les récits sobres, qui semblent progresser à coups de hasards ou grâce à des conversations, plus ou moins amicales, tenues dans les recoins d’une région où le sens du devoir et les codes moraux semblent figés dans des temps anciens. Offutt cultive donc une forme de simplicité et, il faut bien le reconnaître, ses romans ne brillent ni par l’ingéniosité de l’intrigue ni par un rythme particulièrement haletant. L’intérêt de La Loi des collines est ailleurs et, s’il y a bien quelques moments de tension dans ce nouveau roman, celui-ci est surtout constitué d’une succession de rencontres et de dialogues (très bien écrits par ailleurs) entre Mick Hardin et les personnages qu’il croise au cours de son enquête. Celle-ci l’obligera une nouvelle fois – un peu comme dans les romans précédents – à devoir faire des choix entre les lois officielles et celle qu’il a hérité de son grand-père : la loi des collines. Car c’est là l’un des enjeux du roman, la confrontation entre la justice, en tant que norme commune, et le juste, appréhendé ici comme un idéal moral.
Remarquable nouvelliste (il faut lire Sortis des bois et Kentucky Straight, deux recueils disponibles dans la collection Totem de Gallmeister), romancier passionnant, Chris Offutt poursuit donc ici, avec l’économie de moyens qu’on lui connaît, son exploration d’une Amérique rurale qui semble même, par moments, totalement coupée du reste du pays, un peu comme si ces contrées vivaient en vase clos. Tout le monde semble se connaître plus ou moins, et rien n’y est jamais vraiment oublié. Et même si l’un des passages du roman se déroule à Détroit – ce qui permet à Offutt de nous offrir quelques scènes de pur polar –, ce sont bien les collines du Kentucky qui restent le cœur du roman.
Ajoutons pour conclure que le dénouement du roman nous laisse espérer une suite à cette série qui, pour le moment, ne faiblit pas. On ne peut que s’en réjouir.
Grégory Seyer