A force de s’intoxiquer de thrillers US, on oublie que Netflix a une excellente offre en termes de séries venues d’un peu partout dans le monde : la preuve avec Meurtres à Åre, polar suédois de bonne facture, et loin d’être anodin.
Le nom de Viveca Sten n’est pas (encore ?) haut placé dans la hiérarchie des très nombreux auteurs de « polars scandinaves » : l’autrice suédoise – par ailleurs rédactrice de manuels juridiques ! – est surtout reconnue pour sa série policière Thomas Andreasson, déjà adaptée en série TV sous le titre Meurtres à Sandhamn. Elle développe en ce moment une nouvelle suite de romans policiers, se déroulant à Åre, une petite ville qui se trouve être la principale station de sports d’hiver du pays : quatre volumes sont déjà parus en Suède, et cette nouvelle série TV, Meurtres à Åre, est l’adaptation des deux premiers, Une écharpe dans la neige et les Ombres de la vallée. La construction de cette (potentielle) première saison est d’ailleurs inhabituelle, puisqu’on nous offre trois épisodes de 35 minutes couvrant le premier roman, puis deux épisodes de 45 minutes pour le second…
Une écharpe dans la neige voit débarquer à Åre une jeune policière de Stockholm, Hanna Ahlander, mise temporairement sur la touche à cause d’un conflit avec l’un de ses collègues. Mais, dès son arrivée pour ces « vacances forcées » dans la station de ski, elle se trouve impliquée dans la disparition, qui s’avérera être un meurtre, d’une jeune femme. Hanna, visiblement brillante, prend rapidement la direction de l’enquête, au grand dam (au moins au début) des policiers locaux, peu heureux de voir quelqu’un débarquer de la capitale et leur donner des leçons.
La construction de l’histoire policière est très classique, surtout dans le polar scandinave, avec une succession de pistes pointant à chaque fois vers un coupable potentiel, qui ne sera pas le bon, jusqu’à un dénouement à la fois logique et (un peu) inattendu. Il s’agit là, de manière assez traditionnelle, de montrer que derrière la tranquillité apparente d’une petite ville (il y a moins de 2000 habitants à Åre, hors touristes), nombreux sont les secrets inavouables qui se cachent…
les Ombres de la vallée s’avère bien plus intéressant, tournant autour du sujet – universel, malheureusement – des violences domestiques, mais également du fanatisme religieux (chrétien, pour l’occasion !). Emotionnellement plus forts, voire même frappants, ces deux épisodes s’enrichissent aussi de la relation de plus en plus forte, et donc ambigüe, entre Hanna (bien incarnée par une Carla Sehn, juvénile mais à la fois charismatique et secrète), et son nouveau collègue, Daniel Lindskog, qui se débat dans les offres de la paternité.
Bien écrite, construite sur un rythme équilibré entre suspense et attention à des personnages pour la plupart intéressants, voire attachants, filmée dans des paysages glacés régulièrement grandioses, Meurtres à Åre n’est certes pas extraordinaire, mais est un exemple de série policière crédible, intéressante, touchante parfois. Ce qui est beaucoup plus que ce que l’on a pu dire récemment sur les dernières séries US mises en ligne par Netflix, finalement beaucoup moins qualitatives que cette modeste production suédoise…
Eric Debarnot