Premier volet d’un trilogie annoncée, Bleus, Blancs, Rouges nous replonge dans la France de 1978, où l’on suit le parcours de deux jeunes flics. Un polar politique de 750 pages, nerveux et sans temps mort, qui confirme tout le talent de Benjamin Dierstein.

Pour bien saisir la teneur de l’ambitieux projet auquel a décidé de se consacrer Benjamin Dierstein avec le premier volet d’une trilogie mêlant intrigues policières et politiques, il faut d’abord se plonger dans les dernières pages de ce roman, pour découvrir l’impressionnante bibliographie et somme de documents auxquels s’est référé l’auteur pour écrire Bleus, Blancs, Rouges. Essais, biographies, émissions de radio, films documentaires, coupures de presse, etc., qui lui ont permis de nourrir le scénario de cet impeccable et passionnant polar qui, durant 750 pages, va nous replonger dans la France des années 1978 et 1979.
On y suit, en fil rouge, le parcours de deux jeunes policiers, un homme et une femme, Marco Paolini et Jacqueline Liénard, tous deux fraîchement diplômés de l’école de Police, et qui vont rapidement être confrontés aux plus retentissantes affaires criminelles du moment, dont la traque de l’ennemi public numéro un : Jacques Mesrine.
On fera aussi connaissance avec Robert Vauthier, personnage trouble et ambitieux, mercenaire, barbouze, conseiller pour des chefs d’État, mais aussi patron de la boîte de nuit la plus en vogue de Paris, où se retrouvent toutes les vedettes du showbiz de l’époque. Il y a aussi Jean-Louis Gourvennec, dit Gourv’, un flic infiltré au sein d’un groupe d’extrême gauche radicale, dont la mission consiste à faire tomber les têtes, parmi lesquelles se trouve Pierre Goldman.
On l’aura compris, c’est un roman foisonnant que nous propose là cet auteur, marqué à tout jamais par la lecture de James Ellroy, et qui, comme son auteur fétiche, nous propose un récit dense, dans lequel on croise des tas de personnages, réels ou fictifs, aux côtés desquels on embarque bien volontiers pour revivre la fin de règne de Valéry Giscard d’Estaing, éclaboussée, notamment, par l’affaire des diamants de Bokassa ou le « faux suicide » de Robert Boulin.
Malgré la taille du pavé, on ne s’ennuie pas une seconde dans cette histoire menée tambour battant, dans laquelle les dialogues fusent comme des balles, où les courses poursuites se font en 204 Peugeot, où l’on grignote des Picorette, où les cadors de l’OM s’appellent Marius Trésor et Didier Six, où les femmes sont encore loin d’avoir les mêmes droits que les hommes, admirant Jean-Paul Belmondo et Alain Delon.
Les plus anciens trouveront sans doute dans ce roman, une bonne part de nostalgie, pour se souvenir de cette France de la fin des années 70, qui comme en Allemagne ou en Italie, était gangrénée le terrorisme d’extrême gauche, où la guerre des Polices allait bon train, et où les flics faisaient la Une des journaux, à l’image du fameux commissaire Broussard.
Les plus jeunes, eux, découvriront une époque, avec un contexte politique encore marqué par le colonialisme, où flics et voyous se côtoyaient dans les soirées, où les scandales étaient souvent étouffés… Une France qui prenait peur à chaque fois qu’un nouveau meurtre ou enlèvement était annoncé au 20h de Roger Gicquel.
Benjamin Dierstein qui n’a pas encore sa page Wikipédia – mais avec ce polar exemplaire, les choses pourraient évoluer rapidement –, est né en 1983, et fait partie d’une génération qui n’a pas connu ces années-là. Reconnaissons donc tout le talent et la passion qu’il a mis pour composer ce roman de manière si brillante. On attend avec impatience le second volet de cette trilogie, qui devrait paraître dans un an.
Benoit RICHARD