« Le crétin qui a gagné la guerre froide » : comment tout a commencé

Pour ceux qui restent stupéfaits devant la dérive fasciste du gouvernement républicain des USA, Le crétin qui a gagné la guerre froide revient aux années Reagan, pour nous raconter le premier triomphe de l’extrême droite incompétente et dangereuse au pouvoir. Edifiant.

Le crétin image
© 2025 Le Naour / Le Bihan / Bamboo

Ce n’est certainement pas très adroit d’intituler ce livre, qui retrace les années de pouvoir de Ronald Reagan en se focalisant sur la manière pour le moins « personnelle » (on peut dire « originale » aussi) dont il a exercé son rôle de POTUS, Le CRETIN qui a gagné la Guerre Froide. L’usage du mot « crétin » donne le sentiment d’un livre « à charge », manquant d’objectivité, alors que, au contraire, sa lecture montre que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Pire, l’astuce sur la couverture du fragment d’affiche pas encore collé, devenant une évocation de la petite moustache hitlérienne, se révèle finalement hors sujet : on peut critiquer, et à juste titre, beaucoup de choses parmi les actions de l’administration Reagan (et évidemment, en premier, « l’Irangate »…), mais on était à l’époque loin des dérives actuelles du tandem MuskTrump.

Le crétin couverture

Quand Ronald Reagan est élu Président, contre toute attente, s’agissant d’un acteur hollywoodien à la réputation vaguement médiocre et à la trajectoire politique banale, nul ne soupçonne que, sous son « leadership » (un mot un peu fort quand on voit la manière dont il se comportait), le monde entier changerait radicalement. Du point de vue politique intérieure US, Reagan a joué le jeu du libéralisme sans état d’âme, avec une approche assez semblable à celle de Thatcher en Grande-Bretagne : réduction des impôts, en particulier pour les plus riches, et soutien aux entreprises, surtout les plus grandes. Socialement, même s’il était réactionnaire et croyant, il a finalement peu impacté le fonctionnement des Etats Unis, surtout si on compare à ce qui se passe en ce moment.

Les choses sont évidemment bien différentes en termes de politique extérieure, puisqu’il a d’abord affronté l’URSS de manière verbalement agressive, avant de profiter de l’effondrement de son système économique, et d’accompagner – presque amicalement – Gorbatchev dans la transition vers la… « démocratie », et le démembrement de l’empire soviétique. Le qualifier de « gagnant de la Guerre Froide », comme le suggère le titre du livre, est d’ailleurs, évidemment, loin de la vérité, les Russes s’étant bien débrouillés tous seuls pour tout démonter de leur côté !

Le plus intéressant de l’histoire que nous raconte Jean-Yves Le Naour est bien plutôt la description, amusée et amusante, du dilettantisme extrême de Reagan, de son manque d’intérêt total pour le « fond » des sujets économiques ou politiques lui incombant, et de sa préférence pour une approche pour le moins « légère » de la diplomatie, basée sur des bons mots et des histoires drôles. D’où un grand nombre de scènes hilarantes et stupéfiantes autour de ses rencontres avec des hommes politiques du monde entier, dont il ne connaît même pas le nom, voire le nom du pays qu’ils représentent !

Mais finalement, et ce n’est pas clair si c’est volontaire de la part de Le Naour, il est difficile de ne pas trouver Reagan sympathique, son approche anti-technocratique de son rôle, son bon sens généralement triomphant, et sa capacité à séduire ses interlocuteurs décontenancés, jouant clairement en sa faveur. Bien entendu, la triste affaire de la vente d’armes à l’Iran pour financer la contre-révolution en Amérique Centrale, est beaucoup moins « sympathique », même s’il est aussi clair que la responsabilité en incombe sans doute plus à ses conseillers qu’à lui-même.

Là où il y a un problème, qui n’est pas la faute de Le Naour, c’est bien dans le lien qui est fait, en particulier à la dernière page, avec la Présidence Trump. Ce que l’on a vu depuis la parution du livre le 8 janvier, c’est plutôt la mise en place d’une vraie gouvernance fasciste, dictatoriale, qui n’a rien à voir avec le style ni avec la vision du monde de Reagan (c’est plutôt George W Bush qui a été le « fils spirituel » de Reagan, sur bien des points). Finalement, le plus gros reproche que l’on puisse faire à Reagan, c’est celui d’avoir habitué les électeurs américains à une incompétence édifiante au plus haut niveau de l’Etat, que les plus stupides d’entre eux ont appris à préférer à l’arrogance des technocrates et des professionnels de la politique.

Dans tous les cas, et quelles que soient les réserves que l’on peut avoir, la lecture de ce livre très intéressant, et efficacement mis en images par Cédrick Le Bihan, est un MUST en ce moment.

Eric Debarnot

Le crétin qui a gagné la guerre froide
Scénario : Jean-Yves Le Naour
Dessin et couleurs : Cédrick Le Bihan
Editeur : Bamboo – Collection : Grand Angle
64 pages – 15,90 €
Parution : 8 janvier 2025

Le crétin qui a gagné la guerre froide – Extrait :

Le crétin extrait
© 2025 Le Naour / Le Bihan / Bamboo

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