Second passage à Paris, après le Supersonic en 2023, de THUS LOVE, combo US prometteur, mené par un impressionnant Echo Mars : cinquante-cinq minutes musicalement superbes, qui confirment qu’il faut attendre le meilleur du groupe, mais sans la folie de leurs débuts.

Qui était au Supersonic le 11 février 2023 n’oubliera pas de sitôt l’apparition sur scène de Echo Mars, graine de star, chanteur époustouflant, guitariste doué, leader de THUS LOVE – originaires du Vermont et militants LGBT : la plupart des spectateurs, au sortir de ce set à la fois déchaîné et empreint d’une magie inhabituelle, ont dû se dire qu’ils venaient d’assister à la naissance d’un grand groupe, ou tout au moins d’une grande star. Deux ans plus tard, après un second album moins révolutionnaire qu’on aurait souhaité, THUS LOVE passent pour leur seconde date parisienne dans un Point Ephémère qui n’est même pas totalement sold out : la célébrité n’est pas encore arrivée, clairement. Et pourtant…
20h30 : l’ouverture de la soirée est assurée par un groupe féminin venu de Londres, qui existe depuis dix ans mais a aussi connu son lot d’espoirs et de galères : Dream Nails est, depuis le départ de leur chanteuse (déjà la seconde de leurs 10 ans de « carrière »), un trio que l’on pourrait qualifier par paresse de « riot grrrls », mais qui se revendique comme sorcières punks, écrivant des « sorts » jetés aux politiciens misogynes et autres ennemis du féminisme. C’est désormais la bassiste, Mimi Jasson, qui chante, et on voit tout de suite que ce n’est pas son boulot, à l’origine : redoutable bassiste au son énorme, elle assure un peu difficilement au micro, même si, au fur et à mesure que le set se déroule et gagne en assurance et en qualité, les vocaux s’améliorent.
Ce qui est évident, et très bien, avec Dream Nails, c’est que les chansons ne sont pas de simples brûlots punks revendicatifs, mais de vrais bons morceaux, complexes, originaux, joués par trois musiciennes assurées. Enfin, on parle des huit morceaux qui ont constitué les 30 minutes de set de ce soir, tous nouveaux (et a priori non encore parus sur disques), puisqu’il semble que le groupe a appuyé sur « RESET » et repart sur de nouvelles bases. A noter aussi que, en dépit de leur engagement féministe et du look gothique de Mimi, tout ça ne manque pas d’humour, avec des textes de chansons qui semblent assez fantaisistes. En tout cas, la mayonnaise a pris ce soir, un titre comme Organoid, basé sur une idée très SF de greffe d’on ne sait quoi sur on ne sait quoi (on n’a pas tout compris dans le concept !), était assez remarquable : le public est ravi, les filles aussi, et l’ambiance est vraiment excellente durant ce set réussi. A suivre, sans aucun doute !
21h30 : en fait, THUS LOVE ne sont plus le même groupe qu’on a vu en 2023 : le.a bassiste de l’époque a été remplacé.e par Ally Juleen, qui apporte une contribution musicale remarquable (c’est décidément la soirée des bassistes !), mais qui témoigne aussi d’une complicité évidente avec Echo Mars, complicité qui va faire des deux musiciens.nes le cœur vibrant du set. De plus, THUS LOVE ne sont plus un trio, mais désormais un quatuor, avec l’arrivée de Shane Blank à la seconde guitare et aux claviers : le son en sort considérablement musclé, beaucoup plus puissant qu’auparavant, clairement moins punk sauvage, et plus « classic rock » à poigne. Bref, ça bastonne toujours, mais d’une manière sensiblement différente : tout est plus maîtrisé, plus carré, si l’on veut, mais cette impressionnante puissance, qui nous ravira à chacune des cinquante-cinq minutes du set, est construite au détriment de la folie qui régnait avant sur scène. Echo Mars ne fait plus désormais penser à un Iggy Pop juvénile, prêt à faire toutes les « conneries » possibles sur scène, mais plutôt à un guitar hero des seventies (sans la frime, heureusement !) : d’ailleurs, il ne descendra même pas une seule fois dans la foule, ce qui surprendra par rapport à ce qui s’était passé au Supersonic.
La force du groupe est désormais clairement positionnée dans la qualité de ses chansons : le démarrage sur le trio Repetitioner, On the Floor et Inamorato est stupéfiant, et la conclusion de la soirée sur Lost In Translation et, en rappel, le parfait Family Man, en sont une parfaite démonstration. Ce qui ne veut pas dire que le set faiblira au milieu, car les singles Put On Dog et Centerfield ne sont pas non plus des plaisanteries ! Et puis, guitariste talentueux, on l’a dit, Echo Mars est avant tout un grand chanteur, ce qui n’est finalement pas si courant que ça.
Un point qui ne devrait être que de détail, mais qui ne l’est peut-être pas : le set du Supersonic en 2023 avait été l’occasion pour le groupe de présenter fièrement la non-binarité de ses musiciens, un discours « queer » passé à la trappe désormais. On espère très fort que cette discrétion n’est pas le résultat de la politique de terreur menée par les partisans outre-Atlantique de MAGA, simplement l’évolution logique d’un groupe qui sait que sa musique dépasse le simple discours politique…
En tous cas, nous avons eu confirmation hier soir de la qualité et du potentiel de THUS LOVE, et aussi du plaisir que l’on peut prendre, dans la salle comme sur scène, avec leur musique. Et on est certain, vu les sourires qu’ils affichaient à la fin du set, que les membres de THUS LOVE ont compris (et senti) que Paris les aimait !
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil