« Ravagés de splendeur », de Guillaume Lebrun : Les limites du stupre chatoyant !

Après la relecture azimutée de Jeanne d’Arc dans Fantaisies Guerrières, Guillaume Lebrun s’intéresse cette fois à la figure de Heliogobale, pour interroger la question du genre, des libertés sexuelles et religieuses, mais avec beaucoup moins de réussite.

Guillaume Lebrun 2025

Je vais encore tomber dans le cliché mais quand un roman évoque la décadence de l’Empire Romain, je m’attends à un péplum avec des courses de chars pas encore électriques, des gladiateurs huilés comme des plagistes grecs, des sénateurs ventrus en toge, avachis sur des banquettes, tétant des amphores, mangeant AVE les doigts, des vestales qui ont peu négligé la clause de virginité derrière des voiles transparents, des esclaves stoïques qui font le service en passant du Solcarlus et des chrétiens qui servent de tapas à des lions en carence de protéines baptisées.

Lebrun-Ravage´s-de-splendeurMes références s’appuient sur des sources historiques d’une fiabilité incontestable : Gladiador, Ben Hur, Asterix, Spartacus, Hercule à la conquête de l’Atlantide ou contre les vampires et Satyricon… Une vraie pointure de Caligae (sandales sans chaussettes des soldats romains !).
Je savais donc les mœurs de l’époque assez libres, en ce 3e siècle après JC et un peu plus de 16 siècles avant nous, deux dates fondatrices, mais le très bref règne d’Héliogobale est en compétition avec celui de Caligula en matière de dépravation. Rien que son nom doit donner des envies de décret à Trump.

Si pas mal d’historiens et quelques auteurs (Antonin Artaud et Jean Genêt) ont déjà glosé sur « l’hermaphrodite impérial », Guillaume Lebrun focalise son récit sur le goût de la transgression du personnage et ses appétits insatiables, sous toutes les formes et dans tous les sens… du terme bien entendu.

Avec lui à sa tête, le Bas Empire devient l’Empire du bas. Heliogabale a obtenu le poste grâce à l’ancêtre du piston : le complot familial. Sport olympique durant l’Empire, le jeune adolescent débarque de sa Syrie natale et il va tomber amoureux d’Hierocles, un ancien esclave grec. Il va aussi épouser la grande vestale Aquilia, qui va rapidement préférer un ménage à trois aux 30 années contractuelles qu’elle devait sacrifier à la Déesse Vesta. Heliogabale cherche lui, à implanter le culte d’un autre Dieu, Baal, et pas que pour jouer avec (à la BaBaal).

Peu intéressé par l’œuvre politique de cet empereur parfois, si si, impératrice, le récit va partager la narration de ce règne de lucioles entre Heliogabale, Aquilia et Hierocles.
Quand je digresse autant, je commence à me connaître, c’est que je ne suis pas parti pour attribuer un César. Il faut dire que les personnages obnubilés par les plaisirs de leur chair n’attirent vraiment pas la sympathie ou la pitié.

Autant j’avais beaucoup aimé la relecture azimutée de Jeanne d’Arc dans  Fantaisies Guerrières , roman avec un vocabulaire décalé, dopé à l’humour et à l’inventivité, autant les orgies de la Divine Heliogobale pour interroger la question du genre, des libertés sexuelles et religieuses ne ravagent pas de splendeur. Je suis sorti de ce roman plutôt plombé de moiteur. J’ai eu l’impression que l’extravagance des personnages avait bridé l’imagination de l’écrivain, qu’il n’avait pas ressenti le besoin d’accentuer les traits des personnages ou de jouer avec L’Histoire. Il craignait peut-être l’overdose de paillettes. Une prose transgressive avec la pucelle d’Orléans, devenue soumise aux débauchés de la toge.

Quelques passages permettent de retrouver la musique originale des phrases de Guillaume Lebrun et les dialogues sont plutôt réussis, mais l’ensemble manque vraiment d’incarnation. Même la violence y devient frivole. J’aurai aimé que les personnages sortent un peu plus du lit et se confrontent à cet empire qui donne des signes d’effondrement. Le huis clos dans le Palais Impérial n’est perturbé que par des cérémonies, froides comme des buffets à volonté qui se transforment en abreuvoirs dès la fin des discours.
Sous la très belle couverture du livre, les draps froissés sont restés rêches. Ils sont fous ces romains !

Olivier de Bouty

Ravagés de splendeur
Roman de Guillaume Lebrun
Editeur : Christian Bourgois
160 pages – 17€
Date de parution : 9 janvier 2025