[Live Report] Elliott Murphy au New Morning (Paris) : Red Moon Over Paris ?

Alors qu’il vient de sortir un nouvel album très réussi, Infinity, Elliott Murphy célébrait comme chaque année son anniversaire au New Morning. On y était, histoire de voir si la lune rouge promise flotterait réellement sur Paris…

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Elliott Murphy au New Morning – Photo : Eric Debarnot

« A red moon over Paris / Oh this I know / I look out my window / Marvel at its glow / What does it signify ? » (Une lune rouge sur Paris / Oh, je le sais / Je regarde par ma fenêtre / Je m’émerveille de sa lueur / Qu’est-ce que cela signifie ?). En synchronisant la sortie de son nouvel album – on ne sait plus combien il y en a, à ce stade, d’ailleurs Elliott Murphy nous a dit que c’était exactement pour ça qu’il l’avait intitulé Infinity, parce qu’à son âge, il ne pouvait plus se souvenir combien il en avait sorti ! – avec une éclipse de lune, Elliott a quand même fait fort ! Et a rassuré ses fans, qui vieillissent aussi vite – plus vite peut-être même – que lui : le « Murphyland » est toujours d’actualité ! Il fallait donc aller vérifier sur place, au New Morning, que le (désormais) vieux magicien était toujours capable de nous offrir l’un de ces sets exceptionnels qui ont été chez lui, depuis des décennies, sa routine. Lune rouge ou pas lune rouge.

2025 03 15 Elliott Murphy New Morning (11)Première constatation, devant le New Morning où la queue s’allonge depuis 18 h, plus de ces troupes de fans – féminins, souvent – excités et débarquant du reste de l’Europe… Sans doute une marque du temps qui, en effet, passe. Heureusement, on trouve assez de couples tranquilles venus d’Allemagne, de Belgique, de Hollande, d’Italie pour se rassurer sur la popularité européenne d’Elliott. Mais on sait aussi que pas mal de ces fans iront plutôt s’asseoir que de frétiller au premier rang. Dommage…

20h30 : selon une tradition désormais bien établie, Elliott démarre la soirée par un set « acoustique », en duo avec Olivier Durand. Ce soir, le fiston Gaspard Murphy n’est pas là, et son énergie juvénile, sa guitare électrique heavy nous manqueront plus tard. Mais pas pour le moment, car, de manière assez surprenante, Elliott et Olivier nous égrènent en 30 minutes six des plus gros succès d’Elliott : Change Will Come, Drive All Night, Anastasia, Hollywood, Diamonds By The Yard (dans l’une des plus belles versions, dépouillée et lumineuse, qu’on ait entendue depuis des années) et Just a Story From America. Voilà, c’est fait ! Et pour les moins patients, ils quitteraient le New Morning dès maintenant qu’ils pourraient déjà prétendre avoir entendu les « meilleurs titres » du concert. Sauf que, évidemment, les choses ne sont pas aussi simples que ça…

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21h15 : après quinze minutes de pause, c’est tout le Murphyland qui monte sur scène, avec en plus d’Olivier, d’Alain Fatras et de Melissa Cox, la violoniste australienne dont les interventions sont essentielles sur le dernier album, il y a Aurélien Barbosi, le plus récent arrivé, à la base. On attaque par le réjouissant Granny Takes a Trip, l’ouverture d’Infinity, et, immédiatement, on constate que, en live, cette chanson a priori assez « classiquement Americana » prend une dimension bien plus ample. C’est le moins qu’on attendait de Murphy, évidemment ! Il y a une belle et rare élégance dans la musique de Murphyland, et, si on pourra noter que le set sera moins énergique, moins « rock », qu’il pouvait l’être il y a cinq ou dix ans – et peut-être qu’en effet, l’absence de Gaspard n’y est pas pour rien -, la pure magie habituelle ne tarde pas à se déployer. Et la salle tout entière a un grand sourire sur le visage : la sorcellerie de la lune rouge, sans doute, mais une sorcellerie positive et bienveillante, qui nous libère de nos noires préoccupations actuelles, et nous aide à nous souvenir aussi d’une Amérique que nous avons, durant des décennies, tellement aimée.

2025 03 15 Elliott Murphy New Morning (31)La set list propose ce soir une visite guidée des titres les plus frappants d’Infinity (qui nécessitent, pour qu’Elliott ne se trompe pas dans leurs textes, la présence d’un chevalet, plutôt réfractaire, placé à droite d’Elliott, dont la pauvre Melissa a la charge…), alternant avec quelques extraits de la discographie récente d’Elliott (on sait qu’Elliott ne croit pas, en ce qui concerne sa propre œuvre, en la nostalgie), et quelques-uns des morceaux les plus aimés des fans, pour ceux qui n’auraient pas assez de patience pour découvrir les chansons qu’ils ne connaissent pas. Nous avons ainsi droit à un Green River et à un Sonny, évidemment accueillis par des cris de joie généraux, qui ont réintégré la setlist, avant que le set principal ne se referme au bout d’une heure trente-cinq minutes par le trio de winners que sont You Never Know What You’re In For (avec son interprétation en deux temps, l’un intimiste, l’autre expansif), On Elvis Presley’s Birthday (toujours cette putain d’émotion qui nous étreint !)  et A Touch of Kindness (avec le traditionnel solo virtuose d’Olivier). Cela vaut la peine de préciser que, parmi les nouveaux titres, Baby Boomer Lament, avec sa conclusion provocatrice (« You say you want a revolution / Or at least I thought that’s what you said » – Tu dis que tu veux une révolution / Ou du moins je pensais que c’était ce que tu disais…) est particulièrement frappant, et que le très peu connu Blissed Out In the Land of Nod, tiré du mini album Intime, touchera particulièrement sa cible : notre cœur.

2025 03 15 Elliott Murphy New Morning (16)Il est temps d’attaquer le rappel (de trente minutes, ce qui amènera la durée totale du set à deux heures trente-cinq), attaqué par une reprise classique du Knockin’ on Heaven’s Door, incluant évidemment le crowd pleaser qu’est Come On Louann. Mais surtout démontrant que la toute nouvelle Night Surfing est une addition précieuse à la liste désormais longue des grandes chansons d’Elliott : magique, tout simplement ! Elliott nous quittera avec une version acoustique, en solo, de l’inévitable Last of The Rock Stars, que l’on a plaisir de retrouver ainsi dépouillée.

S’il y a une chose nouvelle désormais dans les sets d’Elliott, c’est qu’il contrôle plus sa tendance à raconter de longues histoires. Ce soir, la seule véritable anecdote à laquelle nous aurons droit sera la conversation téléphonique entre Lou Reed et sa mère (la mère d’Elliott) après qu’Elliott, en 1973, ait rédigé ses fameuses notes de pochette pour l’album Live 1969 du Velvet Underground. Quand maman Murphy explique à « Louis Reed » que son fils adore sa musique, Lou lui aurait rétorqué : « Mais n’est-ce pas le cas de tout le monde ? » !

En sortant dans la Rue des Petites Ecuries, impossible de ne pas regarder dans le ciel pour voir si la lune au-dessus de Paris ne serait pas rouge.

Texte et photos : Eric Debarnot

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