[Netflix] « Adolescence » : Le choc immersif

Quatre épisodes conçus en temps réel, filmés en un seul plan séquence autour de la mise en examen d’un jeune garçon de 13 ans suspecté d’avoir tué une camarade de classe. Venu d’Angleterre, Adolescence est une claque visuelle et psychologique comme le géant Netflix n’en a plus proposé depuis longtemps.

Adolescence
Owen Cooper, Erin Doherty – Copyright Netflix

Pas de round d’observation. Le premier épisode vient de débuter depuis deux minutes et dix-sept secondes que l’on plonge dans une immersion sidérante. Aux aurores, une unité des forces de police intervient brutalement dans un pavillon d’une banale banlieue anglaise, pour mettre en état d’arrestation un garçon de 13 ans, soupçonné du meurtre d’une camarade de classe. Un point de départ délicat, mis en exergue par la violence de l’interpellation réalisée en plan séquence. Petite précision importante: TOUTE la série est en plan séquence.

Filmée en temps réel, Adolescence se compose de quatre épisodes d’environ une heure chacun, pour autant de segments pivots gravitant autour de cette histoire dramatique qui relate la mise en examen de Jamie Miller (Owen Cooper), collégien à priori sans histoire issu d’une famille de la classe ouvrière, suite à l’assassinat d’une jeune fille du même établissement. Chaque chapitre se concentre sur un aspect différent (arc judiciaire, scolaire, familial) pour aborder les multiples angles que requièrent pareil bouleversement.

Créée par Jack Thorne et l’acteur Stephen Graham – qui joue ici le rôle du père, Eddie Miller – la mini-série est un choc à la fois visuel et psychologique. Visuel bien évidemment car la prouesse technique de la mise en scène de Philip Barantini est bluffante, toujours fluide et captant l’attention permanente du téléspectateur. Psychologique aussi puisque le récit ne se fixe pas tant sur la culpabilité ou non, mais tente avant tout de comprendre tous les mécanismes, rouages et répercussions qu’une telle affaire peut avoir sur les différents protagonistes concernés de près ou de loin. Il y a une réelle volonté de comprendre le mal à sa racine, sans jugement, et l’angle du harcèlement, des réseaux sociaux et de la masculinité toxique trouve un écho contemporain fatalement juste sur les enfants d’aujourd’hui.

L’écriture, d’une intelligence implacable et même dure, est la clé de tout le processus. C’est le fil imaginé par les deux auteurs qui permet de tricoter et de mettre en place la chorégraphie et le jeu d’une justesse brute des acteurs. Saluons d’ailleurs l’ensemble des prestations en pensant aux heures de répétitions avec toute l’exigence que le parti pris du plan séquence demande. Comment ne pas être soufflé face à la partition du petit Owen Cooper pour son premier rôle, lui au centre de tout et notamment d’un épisode 3 en face à face absolument terrifiant ?

Il n’y a bien sûr aucune place pour romancer le propos ou lui apporter des arcs narratifs supplémentaires, ici tout doit aller droit au but pour servir l’unique séquence par épisode. On a parfois l’impression d’être face à une reconstitution documentaire et l’on oublie vite que l’on regarde une série. Fatalement, cette temporalité a aussi ses failles, et il faut en accepter les moments plus faibles, les pauses, les bavardages ainsi que les quelques ficelles un peu grossièrement tirées pour passer d’une scène à l’autre. C’est le prix à payer face à un tel pari esthétique.

Un hic largement surmontable sur une durée si concise et compacte, surtout face à une telle force de proposition. L’univers des séries est assez chloroformé comme ça pour ne pas savoir apprécier la prise de risque, l’originalité, surtout au service d’un propos sociétal aussi fort qu’important. Et on tape assez souvent sur Netflix et ses consœurs du streaming, avec leurs algorithmes et cahiers des charges suffocants, pour aussi reconnaître l’espace qu’ils savent laisser à des ovnis pareils qui trouveraient difficilement preneur à la télévision, malheureusement.

Adolescence est une réelle claque multidimensionnelle, qui sait créer la réflexion, l’émotion et la fascination dans un mélange réalisation/scénario de tout premier plan. Un objet qui a su toucher les critiques de la presse, et auquel on souhaite désormais de trouver un public. Pour elle, déjà, et puis pour peut-être ouvrir une brèche pour d’autres programmes qui sortent des clous. Nécessaire à bien des égards.

Alexandre De Freitas

Adolescence
Mini-Série britannique de Stephen Graham et Jack Thorne
Réalisé par Philip Barantini
Avec : Owen Cooper, Stephen Graham, Christine Tremarco, Ashley Walters…
Genre: drame
4 épisodes de 60 minutes
En ligne sur Netflix depuis le 13 mars 2025

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