Autobiographie des frères Reid, Never Understood : The Jesus and Mary Chain est un livre plus plaisant pour ce que l’on en retient (de la relation entre les frères écossais du Jesus and Mary Chain, du label Creation) que pour son expérience de lecture souvent laborieuse.

Never Understood : The Jesus and Mary Chain, c’est le livre pour lequel écrire dessus est un moment nettement plus plaisant que sa lecture. L’autobiographie des frères Reid ressemble à une longue interview croisée des deux frères plus qu’à un récit structuré. Il y a un côté roue libre pas très loin de deux autres frères (les Gallagher) avec lesquels les Reid se trouveront une petite connexion lorsque le bouquin arrivera dans les années 1990. On pourrait dire que ça « manque d’un monteur » pour faire le tri et organiser tout ça.
Dans les points communs entre les frangins scottish et ceux de Manchester, il y a l’environnement prolo dans lesquels les Reid grandissent, le combo ennui en HLM / culture foot / culture de la saoulerie au pub made in Scotland valant bien son équivalent mancunien. Mais aussi une absence de complexe face au succès financier s’écartant du culte du happy few du Rock indépendant briton de leur temps. Acheter des fringues dans une fripe, c’était cool pour la classe moyenne, pas pour des prolos. Il faut d’ailleurs dire que le paternel, ouvrier se retrouvant longuement au chômage pendant l’ère Thatcher, n’était pas très chaud à l’idée de voir ses fils investir dans des instruments de musique.
Le goût du scandale, c’était chez les Gallagher un mélange de diverses substances et de calcul – Liam considérant contrairement à son frère que les Stones ne seraient pas les Stones sans les frasques. Pour les Reid, c’était au début une réaction à un pays et un monde musical devenus selon eux trop propres après la fin du Punk. Même s’ils ont cherché ensuite à se débarrasser de l’image violente de leurs débuts. Dans les liens, on trouve aussi pas mal de déclarations en interview dignes de Liam à son « meilleur » : [Paul McCartney] a fait l’erreur de ne pas être tué avant d’écrire Mull of Kintyre…
Ce qui relie les Reid et les Gallagher, c’est bien sûr Creation et Alan McGee. Ce dernier semblant expérimenter avec les Reid ce qui fonctionnera avec les Gallagher : tout scandale est une publicité. Les Reid prendront, ceci dit, leurs distances, refusant d’être les joujous d’un nouveau Malcolm McLaren. Lorsque les années 1990 arrivent, Creation et McGee se voient comparés par les Reid au New Labour et à Blair, pas vraiment flatteur.
Concernant le Grunge et la Britpop, on aurait envie de répondre aux Reid : c’est la vie – même si c’est cruel -. Les Reid ont eu en effet le sentiment d’être mis sur la touche par la presse britannique alors que des courants musicaux qu’ils estimaient avoir en partie inspirés décrochaient le jackpot. Tout le monde n’est pas là au bon endroit et au bon moment. Un peu comme d’ailleurs ne pas signer le bon contrat en début de carrière est une erreur que font… tous les groupes.
Le reste, c’est la guerre fratricide, la séparation, la reformation, la défonce et la désintoxication, et le fait que croiser ses héros musicaux n’est pas toujours une bonne idée. Mais peu de choses sur la musique, à part une volonté de ne pas refaire le même album.
La musique parle d’elle-même, certes. De la saturation, un son sale, de la batterie Be my baby et le versant le pop du Velvet, des mots simples évoquant vaguement un romantisme adolescent et voilà Just like honey. Chef d’œuvre plus tard popularisé par Sofia Coppola et que le groupe jouera d’ailleurs live avec Scarlett Johansson. Présent dans un album (Psychocandy) s’imposant en classique instantané du Rock anglais des années 1980.
Mais ce bouquin, valant avant tout comme récit d’une relation d’amour / haine de frangins du Rock et pour l’image ambiguë donnée de l’héritage d’un grand label indépendant, a un petit capital sympathie. Oui, voir à la télévision du cinéma d’auteur européen peut servir d’ouverture d’horizon à deux Ecossais fauchés. Au moins, ils sont contents, lorsqu’ils débarquent à Londres, que voir un Fellini soit facile, même si tout n’est pas parfait. Et même si cela ne fait sans doute pas grand-chose aujourd’hui à la personne concernée, le camarade de classe qui était objet de moqueries mais qui « aimait les bons disques » a droit à son mot d’excuse.
Ordell Robbie