Premier album de Brigitte Calls Me Baby, The Future Is Our Way Out est-il plus qu’une photocopie américaine tardive des Smiths ? Le constat est plus nuancé à l’écoute, même si l’album ne réussit pas à enthousiasmer totalement.

Rien n’est plus insupportable que le reproche fait à de jeunes artistes d’avoir des influences musicales visibles. Tout le monde n’est pas capable de sonner comme un OVNI musical dès le premier single, et ce n’est pas si grave. L’imitation ratée des modèles peut parfois même faire style. Et aucune référence évoquée ci-dessous ne sera inscrite au passif d’un groupe débutant.
Ce qui amène au cas présent : les Brigitte Calls Me Baby, originaires de Chicago. Dont l’album The Future Is Our Way Out est passé inaperçu au mois d’août 2024. Mais qui bénéficie du petit coup de projecteur de sa première partie des concerts à venir de Morrissey à Dublin et Manchester. Un groupe qui doit son nom à une (très probablement fictive) correspondance entre son chanteur Wes Leavins et Brigitte Bardot. Un Leavins reprenant la coupe de cheveux du Moz (et/ou celle de James Dean ?), lorgnant vers le côté flamboyant du Moz du clip de This Charming Man. Impressively Average est un choix de titre lui aussi proche de qui vous savez. Et les textes sont sur un terrain de mal-être adolescent, dans un style moins littéraire que le Mancunien.
Heureusement, les choses sont un peu plus compliquées à l’écoute. Parce que Leavins est sur quelque chose d’encore plus sur la corde raide que le mimétisme vocal morrisseyien d’un Rossiter (Gene). Le mimétisme vocal du Moz et du King en même temps. Un mélange qui se révèlera plaisant ou agaçant, voire les deux à la fois. Mais Leavins a encore le temps pour trouver sa voix.
Plaisant, le morceau titre contient des petites ombres de We Hate It When Our Friends Become Successful. Suit Pink Palace et son riff aux réverbérations de Suedehead. Pas original, mais balancé avec assez de conviction pour que ça passe. Avec Eddie My Love, on est cette fois sur un terrain Elvis reprend les Everly Brothers. Mais cette fois le côté très emphatique fonctionne moins bien. Cela se redresse avec Fine Dining et son riff strokesien joué façon ligne claire.
I Wanna Die In The Suburbs est sympathique sur le papier : Johnny Marr accompagnant un duo du King et de Morrissey. Mais Leavins convainc moins lorsqu’il fait le King plutôt que le Moz. Avant l’arrivée de la partie plus problématique de l’album. Too Easy, Impressively Average, We Were Never Alive et leur pop néoromantique, cette pop loin de représenter le meilleur du mainstream briton des anéees 1980, et que les Smiths voulaient pousser vers la sortie. Avec comme élément d’irritation supplémentaire une production voulant faire gros son.
Sur Palm Of Your Hand la voix de Leavins évoque (hélas) Brandon Flowers (The Killers). You Are Only Made Of Dreams offre un soulagement aux oreilles même si certaines intonations emphatiques agacent. Mais c’est toujours mieux que le Everly Brothers-like de fin Always Be Fine.
Si on devait évoquer des premiers albums célèbres mais pas renversants d’originalité… Le premier album d’Oasis avait le mérite de l’artisanat pop synthétisant bien ses influences et de la signature vocale gouailleuse de Liam. Porté par des inspirations – Smiths déjà, Bowie glam – aussi casse-gueule que celles du groupe de Chicago, celui de Suede s’en tirait mieux. Et les deux albums étaient réussis d’un bout à l’autre.
The Future Is Our Way Out est l’album d’un groupe qui se cherche, qui n’a pas encore canalisé ses influences. Un album dans lequel au mieux quatre titres sont réussis. Un album peut-être en partie gâché par sa production. Mais c’est un premier album, ce qui pousse à l’indulgence. Et les vidéos disponibles sur la toile, dans lesquelles de façon paradoxale Leavins donne moins le sentiment de trop en faire que sur disque, donnent envie de juger aussi le groupe sur scène.
Ordell Robbie
L’album est formidable certes avec des influences bien marquées ,reconnu par beaucoup de critiques à travers le monde .dommage que vous passiez à côté
On ne peut pas dire non plus que ça ait été le gros buzz critique de 2024. Et l’album n’est pas mauvais, il est juste trop inégal et desservi par sa production. Surtout, lorsqu’un groupe veut s’inscrire dans les pas des Smiths (groupe dont l’existence correspond à peu près, c’est rare, à sa période la plus créative), il est normal de placer la barre haut. Surtout, j’ai quand même envie de voir ce qu’ils donnent live.
Ils passeront au Supersonic la veille du concert avec Morrissey. Ce sera une occasion parfaite – bien mieux qu’en première partie dans une salle trop grande – de les juger sur pièce.