Alors qu’on doit chaque jour intégrer les conséquences du nouvel ordre mondial qui se met en place, on aura du mal à se détendre devant la série Conflict, où les Finlandais mettent en scène leur inquiétude de « petit pays neutre » à la merci de la convoitise des puissants.

Sans doute faut-il être finlandais pour comprendre ce que l’on peut ressentir aujourd’hui face à l’attitude agressive de la Russie, tout en se sentant plus ou moins abandonné par l’Occident du fait des spécificités géographiques, historiques – la neutralité – et culturelles de son pays. Un peu comme Occupied racontait – il y a 5 ans déjà ! – la crainte des Norvégiens face aux appétits que pouvaient faire naître à l’Est leurs abondantes réserves pétrolières, Conflict met en scène un scénario catastrophe où la Finlande est partiellement envahie par une armée inconnue, et se trouve laissée à elle-même face à cette agression non conventionnelle.
Au début de ce qui est à date la série TV la plus chère jamais créée en Finlande, la péninsule de Hanko, où sa nouvelle – et jeune – présidente, peu expérimentée et récemment élue, est venue célébrer le solstice d’été, est soudainement envahie par des troupes hyper-équipées et professionnelles, portant un uniforme proche de celui de l’armée finlandaise mais s’exprimant en anglais. Qui sont ces mystérieux envahisseurs ? Que veulent-ils ? Et comment gérer une crise si inédite qu’il n’existe pas de modus operandi défini pour le faire ?
Conflict montre donc, de manière assez classique finalement, à partir d’un scénario aussi « fantaisiste », en alternance, les enjeux politiques de la situation, tant en interne qu’en externe, en particulier avec les USA et avec l’OTAN, et la situation sur le terrain : on suit en particulier quelques soldats finlandais inexpérimentés qui effectuaient des manœuvres sur les lieux et se retrouvent prisonniers dans l’enclave annexée par les envahisseurs, leur chef qui est séparé d’eux et est au contraire un vétéran de l’Afghanistan, et quelques habitants de la ville de Hanko soumis du jour au lendemain aux contraintes de l’occupation… Et comme il s’agit quand même d’une co-production US, on a droit à quelques personnages d’Américains bien stéréotypés littéralement parachutés au milieu de cette histoire sans qu’on puisse leur témoigner beaucoup d’intérêt. On peut d’ailleurs soupçonner également que les financiers US ont demandé à ce que l’histoire soit purgée de toute mention à l’Europe, dont on a l’impression ici que la Finlande ne fait pas partie !
Conflict a été réalisée avec l’aide de l’armée finlandaise, et avec un minimum d’effets spéciaux digitaux pour représenter toute la partie militaire de l’histoire, ce qui constitue finalement le seul vrai intérêt de la série : même filmés sans talent particulier, même s’étirant parfois au delà de toute logique (la série aurait fonctionné sur 4 épisodes au lieu de 6), les combats sont crédibles. Malheureusement, Conflict est une catastrophe du point de vue écriture : même si l’on accepte le concept pour le moins osé de l’invraisemblable « invasion inconnue », aucun des personnages « politiques » de l’histoire n’a jamais aucune réaction qui fasse le moindre sens. Que ce soit la jeune Présidente, son Premier Ministre qui s’oppose à elle, les représentants des USA ou de l’OTAN, les grands méchants conspirateurs que l’on soupçonne être des « maîtres du monde décidant de nos destinées au cours de leurs réunions à Davos », tout le monde dit et fait absolument n’importe quoi au long des 6 épisodes, sans que l’on puisse saisir la moindre logique à tout ça. Le tout culmine avec un drôle d’attentat bâclé dont tout le monde se rejette la faute. Quant à obtenir la moindre explication, même la plus simpliste, sur toute cette histoire, les scénaristes sont bien clairs là-dessus au cours de la dernière scène, avec les derniers mots de la Présidente : il faudra attendre la seconde saison pour ça (et tant pis si c’est là un « spoiler » !).
Il semble que l’une des raisons de ces incohérences répétées de l’écriture de la série est le temps qui s’est écoulé entre sa conception – alors que la Russie n’avait pas encore attaqué l’Ukraine – et sa finalisation – après que la Finlande ait fini par pouvoir adhérer à l’OTAN -, ce qui a obligé les showrunners à des réécritures régulières, voire à supprimer des scènes déjà filmées, du fait de l’évolution politique en Europe. On peut admettre ce genre de problème dans un contexte aussi volatile que celui que nous connaissons aujourd’hui, mais force est de constater que le résultat est littéralement déplorable.
Eric Debarnot
tout à fait d’accord. comment faire une très mauvaise série à partir d’une bonne idée. Idée, si l’on veut puisque la réalité est là.