Histoire d’une rencontre, histoires de familles, histoires de corps qui se cherchent, s’aiment et revendiquent leur différence, Baby sait en révéler sans cesse la vitalité et la sensualité, saisies dans l’effervescence d’un São Paulo populaire.

À peine sorti d’un centre de détention pour mineurs, sans nouvelles de ses parents qui ont quitté la ville sans laisser d’adresse, et livré à lui-même dans les rues de São Paulo, Wellington rencontre Ricardo dans un cinéma porno. La presque quarantaine bear qui lui va bien, prostitué et dealer à la petite semaine, il prend Wellington, twink à qui on l’a fait pas attisant tous les regards, sous son aile en l’initiant à l’art de la débrouille. Et puis devient son amant. Baby, c’est d’abord l’histoire de cette rencontre. Rencontre improbable entre deux hommes qui s’attirent et se rejettent, ont besoin de l’autre (figure paternelle pour Wellington, équilibre sentimental pour Ricardo), ne savent pas quoi faire de leurs désirs, bringuebalés toujours entre dépendance affective maladroite et attractions épidermiques.
Mais Baby, c’est aussi une histoire de familles. De celles que l’on se construit, de celles d’où l’on vient. C’est une famille qui a disparu, pour Wellington, et qu’il va tenter de retrouver, quand celle de Ricardo est une famille joyeusement recomposée (Ricardo a un fils, né d’une relation avec une femme maintenant en couple avec une autre femme). Et puis il y a la famille de la rue, la famille de cœur, celle à laquelle Wellington appartient aussi, cette bande de jeunes queers défavorisé·es vivant, dansant dans les rues et les bus pour récolter un peu d’argent. Marcelo Caetano les filme toutes avec, à la fois, douceur et entrain, saisies sans cesse dans l’effervescence d’un São Paulo populaire.
Entre réalisme social, cette réalité d’un Brésil pas tendre avec celles et ceux à la marge et sortant de quatre ans de Bolsonaro (« Montrer des corps queers, noirs, des familles qui ne soient pas biologiques est une chose très importante […] C’est aussi une manière de lutter contre l’extrême droite », a expliqué Caetano), et vie rêvée d’une gueule d’ange, rêvant à une vie meilleure, libre de toutes contraintes (quitte à s’enticher d’un fringant et riche quinquagénaire), Baby filme des corps en mouvement qui (se) cherchent, (s’) aiment et (se) réconfortent. Expriment et revendiquent leur différence. Des corps comme en urgence, urgence que Caetano capte dans une mise en scène brute, sensorielle, proche des peaux et des visages. Urgence d’une jeunesse forte de ses singularités et qui, malgré le rejet et la paupérisation, refuse de ne pas pouvoir se projeter dans l’avenir.
Michaël Pigé