Retrouvant ses Throwing Muses pour un premier album en 5 ans, la prolifique Kristin Hersh nous livre Moonlight Goncessions, un disque de 32 minutes qui trouve sa place dans une discographie exigeante.
Parmi les quatre groupes américains cousins signés par 4AD entre la fin des années 80 et le début des années 90 (Pixies, Breeders, Belly, Throwing Muses), ces derniers semblent être ceux qui ont rencontré le moins de succès avec le public français. N’ayant pas le rôle d’influenceur des Pixies, et sans le succès phénoménal rencontré par le Cannonball des Breeders, les Throwing Muses paraissent n’avoir été retenus que comme « le premier groupe de Tanya Donnelly« , qui l’a co-fondé avec sa demi-sœur Kristin Hersh, avant de rejoindre les Breeders et de fonder Belly.
La principale force créatrice du groupe a pourtant toujours été Kristin Hersh, et c’est bien elle qui a été repérée en premier par Ivo Watts Russell, l’album éponyme sortant de fait 2 ans avant le Surfer Rosa des Pixies. Depuis un formidable album solo acoustique en 1994, réalisé avec le seul objectif de se libérer de son contrat avec Warner US, Hersh poursuit une carrière passionnante en sortant régulièrement des albums solo, tout en réactivant le groupe de façon sporadique. Elle continue par ailleurs à faire du bruit avec les 50 Foot Wave qui nous ont offert un excellent Black Pearl en 2022. Bref, elle ne chôme pas.
2025 est donc l’année des Throwing Muses, avec un album faisant suite à un joli single datant de fin 2024, Drugstore Drastic, et une tournée faisant escale à la Marbrerie le 31 mai prochain.
La première chose qui frappe dans Moonlight Concessions, c’est le son. Guitares acoustiques et violoncelle remplissent l’espace, très loin de l’électricité du précédent album, Sun racket, sorti il y a 5 ans, ou des albums les plus marquants du groupe, comme Limbo ou University. Hersh, qui semblait réserver un traitement acoustique à sa carrière solo et rebrancher les amplis quand le groupe se réunissait, nous livre ici un disque radicalement différent.
Le deuxième single du disque, Summer of Love, ouvre le bal : abordant les bizarreries de la vie quotidienne sur lesquelles Kristin Hersh adore écrire, le morceau parle d’un pari fait avec un quelqu’un sur la question de savoir si les saisons nous changeaient. Pari finalement perdu : « Finally fife as it should have been, Finally life as it should be I owe you a buck ». Plus loin, sur Libretto, elle entend apporter de la chaleur à un monde froid (« You’re getting warmer and warmer ») ou mentionne un clochard lisant près d’un salon de beauté dans Sally’s Beauty. Les chansons témoignent d’une profonde empathie et de l’importance des moments passés ensemble, même si ce n’est que le temps d’un court instant.
Preuve du caractère obsessionnel de Kristin Hersh, elle avait à sa disposition 40 morceaux pour n’en finaliser et sélectionner que 9 pour ce disque, au cours d’un process de création qui aurait duré 3 ans.
L’album a été marketé comme un retour aux sources, ce qui n’est pas forcément évident à l’écoute. On peut par contre penser que Kristin Hersh a retrouvé, depuis sa signature avec Fire Records, une liberté qui lui apporte une nouvelle sérénité. Les compositions étaient initialement rêches, intenses et électriques, avant qu’elle ne se décide pour de nouveaux arrangements plus calmes, en faisant du violoncelle de Pete Harvey la deuxième star du disque après la voix rauque et envoutante de la patronne.
Le disque compagnon Moonlight Confessions, uniquement disponible en vinyle et 1000 copies, présente ces premières versions dans toute leur spontanéité.
Nous sommes maintenant intrigués d’entendre le traitement live de ces titres, et maudissons le tourneur qui les fait jouer sur Paris le même soir que les Flaming Lips.
Laurent Fegly