Ce jeudi, notre chronique Tiens écoute ça ! est consacrée à Instant Street de dEUS, qui, 25 ans après sa sortie, est devenue l’incontournable de tous les concerts du groupe.

Nous sommes en 1999 quand The Ideal Crash sort. Les Belges de dEUS sont loin d’être des inconnus. Leurs deux premiers albums Worst Case Scenario, acclamé en Belgique, et In a bar under the sea, ont comblé les fans de l’indie rock à guitares, tout en apportant un coté foutraque et déstructuré à des morceaux à la fois mélodieux et expérimentaux. Les deux têtes pensantes du groupe, Tom Barman (Vocaux, guitare) et Stef Kamil Carlens (Vocaux, basse, guitare) y ont réussi une synthèse assez unique, et les prestations live du groupe sont terrassantes. Les morceaux les plus bizarres ont en effet la caractéristique d’avoir une puissance inouïe, Subs and soda ou World case Scenario en étant un exemple évident. La presse se fait l’écho d’une bataille d’influence entre les deux leaders, Stef Kamil Carlens étant souvent rendu responsable du coté abrasif du groupe et Tom Barman du coté mélodique.
Faisant suite à la sortie d’In a bar under the sea, Stef Kamil Carlens part former le passionnant zita swoon. Avec le départ concomitant du guitariste Rudy Trouvé, Tom Barman se retrouve ainsi en charge avec le fidèle violoniste Klaas Janzoons de réinventer un nouveau dEUS.
The Ideal crash sort le 16 mars 1999, et, de fait, l’évolution est nette, le songwriting plus classique et les ballades se voient accorder le droit de n’être que ça, belles et voluptueuses sans devoir obligatoirement finir en déflagration. L’un d’entre elles, Sister Dew, aurait pu avoir l’honneur d’une chronique spécifique, magnifiant le début de l’album.
Instant Street commence justement comme une ballade, et c’est superbe : la guitare acoustique de Barman sonne comme un banjo, le refrain se fait mélancolique, et les paroles plutôt cryptiques semblent parler d’une relation amoureuse : « You’re probably right seen from your side that I’ve been lucky » (Tu as peut-être raison, de ton point de vue, j’ai été chanceux Mais j’étais à deux doigts de craquer toute la semaine).
1mn44 : Le guitariste Craig Ward y va de son couplet, répondant à Barman, le violon se fait majestueux : « We turned away from instant stuff, our cracking codes were breaking up, our words were sucked out, it made them clean and after, lowness say it » (on s’est détourné des petites choses de l’instant, nos beaux principes se disloquaient, on retenait nos mots pour ne pas se blesser mais, finalement, la bassesse nous les faisait dire).
2mn19 : Barman ne lâche pas l’affaire : « You’re probably right, as for tonight you’re making me nervous, what is it you want me to be thinking of? (Tu as peut-être raison, comme ce soir, tu me rend nerveux qu’est-ce que tu cherches à me faire penser ?), on commence à entendre une guitare plus présente, premier signe que ce morceau ne va pas être comme les autres, la tension est latente.
3mn pile, le début de la montée en puissance avec la dernière réplique de Ward : « This time I go for Instant street, this life’s a soulless excuse for all abuse and parenthesis » (Cette fois, je pars pour Instant Street, cette vie est une excuse sans âme pour tous les abus et les errances). La batterie a pris possession du morceau, les violons sont toujours là, tout est prêt pour la déflagration.
3mn29 : les cymbales donnent le signal, c’est parti, avec un riff de guitare quelques secondes ensuite. Ce riff hypnotique et obsédant va rester présent pendant 2 mn 45, accompagnant une montée frénétique. Le tempo s’accélère dans un long crescendo bruitiste plus que jouissif mettant l’auditeur en transe et sidération. Impossible de résister, la première écoute live de ce morceau lors de la tournée 1999 est restéedans les mémoires de tous ceux qui ont eu la chance d’y être.
Et dire que cette deuxième partie a été en partie supprimée sur la version single du titre, jugée trop long avec ses 6mn 15 !
dEUS a tout fait avec ce morceau sur scène, en lui faisant par exemple ouvrir le bal, comme à la Cigale en 1999 ou au festival des Inrockuptibles, l’année suivante. Mais c’est le morceau pratique en concert : un coup de mou, et c’est sûr que ça va repartir, vous allez voir !
Naturellement placé en milieu de set lors de la tournée commémorant the Ideal Crash, Instant Street est resté le seul extrait de l’album joué lors de la tournée suivante, Barman précisant qu’il serait obligé de le faire jusqu’à la fin de leur carrière.
D’autres groupes ont à leur répertoire un morceau basé sur un long crescendo et un climax final. On peut penser à Impossible Germany de Wilco, également attendu avec impatience lors de tous leurs concerts. Mais de façon évidente, Instant Street reste à l’heure actuelle insurpassable dans le genre.
Après the Ideal Crash, dEUS sera encore capable d’un Pocket revolution très sympa, avant de rentrer un peu dans le rang avec des albums toujours honorables, mais plus à même de contenter les fans éperdus que de convaincre de nouveaux. Le groupe a ouvert la voix aux compatriotes bruxellois de Ghinzu, également adeptes de superbes chansons un peu chtarbées.
Ce qui est sûr, c’est que l’assurance de l’entendre une fois de plus, mais jamais une fois de trop, rend tout concert de dEUS immanquable.
Laurent Fegly
Instant Street – les paroles :
You’re probably right
Seen from your side
That I’ve been lucky
But I’ve been meaning to crack all week
Yes, I’ve been involved
It never resolved into anything shocking
Pains playing yo-yo in my body
As we speak
And now I found something to look for
But I can’t decide
‘Cause I might find that to stroll behind is better than to score
Just like I did before
(Tu as peut-être raison, de ton point de vue, j’ai été chanceux / Mais j’étais à deux doigts de craquer toute la semaine / Oui, j’ai tenu bon, mais ça n’a jamais abouti à grand chose / Et la souffrance joue au yoyo dans mon corps pendant que nous parlons / Et maintenant j’ai trouvé quelque chose à rechercher / Et je n’arrive pas à me décider / Parce que je préfère flâner que remporter la compétition / Tout comme avant)
It wouldn’t be true
Not towards you
To say that I’m staying
When on every single impulse
On every other move I react
‘Cause in any old creek
With changing technique
You’ll see me playing
After any old motherf*cking blow
I’ll be back
(Ça ne serait pas vrai, si je te dis que je reste / Alors que le moindre élan et le moindre mouvement me font frémir / Parce que dans toutes les vieilles criques, avec une nouvelle technique, tu me verras jouer / Après n’importe quel vieux coup de pute, je reviendrai)
We turned away from instant stuff
Our cracking codes were breaking up
Our words were sucked out it made them clean
And after lowness say it
And after more let it be known
Our codes are grown into something mean
(On s’est détourné des petites choses de l’instant / Nos beaux principes se disloquaient / On retenait nos mots pour ne pas se blesser / Mais, finalement la bassesse nous les faisait dire / Et ça empirait, je te laisse deviner / Nos principes sont devenus quelque chose de mauvais)
You’re probably right
As for tonight
You’re making me nervous
What is it you want me to be thinking of?
I’ll put on a movie
I’ll play something groovy as a matter of service
I’ll chuckle when you smile
As a matter of love
‘Cause you know it’s not my style
To be giving up now
And this pain in my side
I had enough
(Tu as peut-être raison, comme ce soir, tu me rend nerveux / Qu’est-ce que tu cherches à me faire penser ? / Je mettrai un film, je jouerai quelque chose de groovy pour te servir / Et j’aurai un petit rire quand tu souriras en guise d’amour / Et tu sais que c’est pas mon genre d’abandonner maintenant / Cette souffrance qui est en moi, j’en ai assez)
This time I go for Instant street
This life’s a soulless excuse
For all abuse and parenthesis
The flyspecked windows and the stinking lobbies
They’ll remain all the same
All the same
(Cette fois, je pars pour Instant Street / Cette vie est une excuse sans âme pour tous les abus et les errances / Les fenêtres tachetées de mouches et les halls puants, ils seront toujours là / Toujours les mêmes, toujours les mêmes)