Après la réussite de la Chica de Nieve (la petite fille sous la neige) il y a deux ans, il n’était pas indispensable de remettre les mêmes personnages sur une nouvelle enquête, même si l’on apprécie la reconnaissance de la nécessité que l’Espagne se débarrasse du poids toujours oppressant de l’éducation catholique.

En janvier 2023, il y a deux ans, donc, une « petite » série espagnole avait réussi à renouveler un peu la figure du thriller « classique » qui nourrit les programmes des plateformes : en se penchant avec beaucoup d’empathie sur la disparition d’une enfant, et en y adjoignant une interrogation sur la « vitalité » des réseaux pédophiles, La chica de nieve (La petite fille sous la neige, chez nous…) nous avait embarqués dans une belle enquête menée principalement par une jeune journaliste profondément marquée par un viol brutal dont elle avait été victime, plus jeune (Milena Smit, pas le meilleur de la série…). ll ne semblait nullement nécessaire de transformer cette réussite en un premier épisode des « enquêtes de Miren Rojo », comme c’est visiblement le cas avec cette seconde saison, sous-titrée Le jeu de l’âme (un sous-titre nécessaire puisque La petite fille sous la neige ne correspond plus à rien cette fois).
C’est la découverte d’un lien entre la mort d’une jeune femme, retrouvée affreusement torturée, et la disparition, plusieurs années avant, d’une adolescente, qui lance Miren dans cette nouvelle enquête, menée d’ailleurs en parallèle par les services de police de Malaga (la série se déroule en effet dans cette belle ville de la côte andalouse), et particulièrement par Belén Millán (Aixa Villagrán), déjà protagoniste de la première saison. Cette affaire va mener Miren et Belén dans les locaux d’un mystérieux collège religieux, protégé par les notables de la ville, et où il semble se passer des choses « louches ».
La coïncidence temporelle de la mise en ligne de la série avec l’affaire de Betharram en France interpelle, évidemment, d’autant que l’emprise de la religion catholique en Espagne est très forte, et n’a que partiellement diminué depuis la fin du franquisme. De fait, la partie la plus intéressante de ce Jeu de l’âme réside dans la description de la manière dont une grande partie de la société traditionnelle espagnole continue à défendre l’indéfendable quand il est perpétré par des hommes de l’église. Et à condamner sans appel l’avortement en toutes circonstances, selon les préceptes du catholicisme…
Il est alors très dommage que le scénario quitte cette piste réaliste et politiquement pertinente pour nous aiguiller vers un site Internet maléfique (religieux, certes, mais pas trop crédible), poussant les adolescents à des comportements autodestructeurs : avec une réalisation médiocre (ridicule !) du dit site, il est visible que les baby boomers qui ont écrit le scénario n’ont finalement que peu de connaissances de ce dont la série traite à ce moment-là, et cela se ressent dans la seconde partie de la saison. Même si le dernier épisode, violent et oppressant, vient un peu sauver la conclusion.
On ne l’a pas mentionné, mais en parallèle, Miren continue à souffrir des séquelles de son viol, plongeant avec une fascination dérangeante dans les pièges qui lui sont tendus, au risque d’irriter le téléspectateur, déjà pas trop convaincu, on l’a dit, par l’interprétation de Milena Smit.
Les dernières images lancent une troisième saison, qui devrait permettre à Miren de retrouver les traces de ceux qui l’ont agressée et violée, et donc, espérons-le, de régler ses comptes avec eux, ce qui se permettra de boucler la série ! On se retrouve dans deux ans ?
Eric Debarnot