Impressionnante analyse du film de Nicholas Roeg et de son influence essentielle sur l’ensemble de l’œuvre de Bowie, David Bowie – l’homme qui venait d’ailleurs est une somme littéralement colossale d’informations et de réflexions.

David Bowie – l’homme qui venait d’ailleurs, le dernier « essai » de Serge Féray, déjà responsable de deux livres remarqués sur Nico, est-il destiné aux fans de Bowie ou aux cinéphiles ? Il peut passionner et les uns et les autres, le risque – clairement assumé par Féray dans la construction de son livre – étant qu’il n’attire que les fans de Bowie qui sont AUSSI cinéphiles (mais bon, ça doit déjà en faire un paquet !). Et puis, le qualifier « d’essai », comme nous le faisons ici, ne rend probablement pas honneur à l’exhaustivité impressionnante dont fait preuve l’auteur quand il s’agit d’analyser et le film The Man Who Fell To Earth, de Nicholas Roeg, et son influence profonde sur tout le travail futur de Bowie, et non seulement sur Station to Station et Low, comme on aurait naturellement tendance à le penser… au vu des photos illustrant les pochettes de ces deux albums.
La structure du livre est assez étonnante, déroutante presque, en dépit de sa logique : Féray nous parle d’abord du Bowie pré-The Man Who Fell To Earth, du travail de Nicholas Roeg avant ce même film, avant de consacrer un long chapitre extrêmement bien documenté sur la genèse et le tournage du film, mélangeant intelligemment des informations dont beaucoup semblent inédites (ou en tous cas sont peu connues), avec des considérations typiques d’une critique cinématographique approfondie et circonstanciée sur les thèmes du film, etc. On passe alors au « cœur » de l’ouvrage : une incroyable analyse du film scène par scène, qui nécessitera pour être appréciée à sa juste valeur, d’être lue tout en visionnant le film de Roeg, la main sur la télécommande !
Logiquement, l’ouvrage se poursuit sur une description de la réception du film, puis par une revue de la carrière postérieure du réalisateur. Avant d’en arriver à la dernière partie, certainement la plus passionnante pour le fan de Bowie, qui est une analyse détaillée de l’impact de The Man Who Fell To Earth sur l’œuvre de Bowie, après cette expérience, en allant jusqu’à Black Star et la pièce de théâtre Lazarus. Il faut tout de suite préciser que Féray, passionné qu’il est par le film de Roeg, dont on peut estimer qu’il le surestime (mais là n’est pas finalement la question, car l’enthousiasme de Féray est communicatif), voit du Thomas Jerome Newton partout chez Bowie ! Il y a clairement pas mal d’excès dans cette lecture de la trajectoire de Bowie, ne gravitant finalement qu’autour du film de Roeg (on remarquera le semi-mépris, ou tout au moins le désintérêt, avec lequel Féray parle des Hunky Dory / Ziggy Stardust / Aladdin Sane / Diamond Dogs pré-Newton, qui peut friser le choquant !).
Le côté positif de cette vision subjective, voire tendancieuse, c’est qu’elle est extrêmement bien documentée, supportée par des analyses très fines sur les chansons, les textes et le comportement de Bowie, qui apportent un point de vue nouveau, original par rapport aux biographies ou commentaires habituels sur notre star préférée du XXème siècle.
Même si, finalement, on peut craindre que les non-cinéphiles trouvent la partie centrale du livre beaucoup trop détaillée, et qu’à l’inverse, ceux qui ne sont pas de grands connaisseurs de Bowie aient du mal avec les digressions de l’auteur sur ses chansons, c’est là ce qui fait la richesse et la singularité d’un livre qui, finalement, ne ressemble pas à ce qu’on lit habituellement dans les ouvrages consacrés à des stars du Rock, ni d’ailleurs dans ceux consacrés à des metteurs en scène de cinéma.
Voici donc 300 pages (en petits caractères) foisonnantes d’informations et d’analyses, qui font de David Bowie – l’homme qui venait d’ailleurs un livre dont la lecture est parfois difficile du fait de sa richesse, mais aussi un travail exceptionnel en tous points.
Eric Debarnot
David Bowie – l’homme qui venait d’ailleurs
Essai de Serge Féray
Editeur : Le mot et le reste
310 pages – 24 Euros
Date de parution : 21 février 2025
Clairement Bowie est au sommet dans ce rôle de Thomas Jerome Newton qui lui colle à la peau, avec des scènes étranges, un brin erratiques. En version originale, la voix parlée de David est si classe. Et j’ai pensé au dernier clip (posthume) de David peu après sa mort (terrestre) : NO PLAN, sa dernière grande chanson. Avec quelques références bien placées…