Premier épisode d’une trilogie dystopique qui nous emporte avec d’autres réfugiés climatiques jusqu’en Islande. Avec les dessins magnifiques de Corentin Rouge et un scénario post-apocalyptique signé Caryl Férey.

On avait déjà bien aimé Sangoma, un polar en Afrique du Sud aux parfums exotiques de sorcellerie et nous retrouvons ici ce duo très efficace : Caryl Férey au scénario, Corentin Rouge au dessin. Les revoici avec Islander, premier tome (intitulé : L’exil) d’une trilogie.
Dans un futur proche, l’Europe est à feu et à sang et les réfugiés affluent dans les ports pour gagner « les îles épargnées ». Le port du Havre est un nouveau Calais où trop de migrants se pressent pour embarquer sur de trop rares bateaux et tenter de gagner l’Écosse, dernier refuge. Il y a là un homme âgé que l’on appelle le Prof, deux jeunes femmes (des sœurs semble-t-il) et Raph, un passeur. Un autre migrant mystérieux, sans passeport. Tout comme en Méditerranée aujourd’hui, la traversée ne sera pas de tout repos et tous n’arriveront pas … en Islande. Une Islande curieusement séparée en deux avec, au nord, un état sécessionniste de Reykjavík. Pourquoi le prof voulait se rendre coûte que coûte en Islande ? Pourquoi cette île est-elle coupée en deux ? Et quel est donc ce mystérieux projet Islander ?
Même si Reykjavík n’a rien à voir avec Le Cap, les échos sont nombreux avec Sangoma : magnifiques dessins, regard inquiétant sur la couverture de l’album, discussions houleuses au parlement, contexte sociopolitique à la base même de l’intrigue, liens complexes entre les personnages, histoires de famille au sombre passé, …
Après Sangoma, on retrouve avec beaucoup de plaisir les dessins très réalistes de Corentin Rouge qui flirtent parfois avec la précision photo. Les traits des visages et les regards sont esquissés avec une grande expressivité et une précision méticuleuse pour donner vie aux personnages. La mise en page est dynamique, du vrai cinéma, ce qui est idéal pour les thrillers de Caryl Férey. Mais l’art de Corentin Rouge ne se limite pas à des portraits serrés, il excelle également à capturer la splendeur des paysages islandais, nous offrant des fresques grandioses, certaines s’étalant sur deux pages.
Côté scénario, ce premier volume nous laisse forcément un peu sur notre faim, c’est naturel : Caryl Férey met en place les décors et les bases de son histoire en trois épisodes et ce n’est que le premier. Il y a peu d’explications (elles viendront plus tard !) mais le contexte semble propice à une bonne histoire où plusieurs personnages aux passés mystérieux et aux liens complexes vont s’entrecroiser. On est impatient de découvrir la suite, mais il faudra être patient car ce ne sera sans doute pas avant l’an prochain !
Et puis il y a ce contexte d’Europe dévastée, affamée (sans doute par des catastrophes climatiques), que fuient les migrants en quête de terres plus accueillantes : une inversion des rôles plutôt bien vue mais qui nous fait grimacer et nous oblige à ouvrir les yeux sur une réalité qui, même si aujourd’hui n’est pas « la nôtre », pourrait bien le devenir (morale : on est toujours le migrant de quelqu’un). « Nous avons fermé nos frontières face à l’afflux de réfugiés européens. Mais des navires continuent d’arriver malgré nos lois !!! Les illégaux sont trop nombreux ! […] Nous devons faire face à la grogne de nos administrés, qui se crispent sous la menace démographique des réfugiés. Il faut être drastiques ! »
Bruno Ménétrier
Islander, tome 1 : L’Exil
Scénario : Caryl Férey
Dessin : Corentin Rouge
Editeur : Glénat
158 pages – 25 €
Date de parution : 23 janvier 2025
Islander – extrait :
