Accompagnés par nos chouchous d’Alberta Cross et 5 ans après l’annonce de leur séparation, les Britanniques de The Temperance Movement font passer leur tournée de reformation par Paris. L’occasion de constater que leur public ne les a pas oubliés.

Nous avons tous vécu ces concerts partiellement ruinés par une première partie insupportable. Et également ceux qui nous ont fait découvrir un artiste qui s’est avéré plus intéressant que la tête d’affiche. Mais pour l’éblouissement d’un Wunderhorse en première partie des Pixies, combien de moments pénibles a-t-il fallu se farcir ? (étant par nature gentil, je ne donne pas de noms). C’est pour cela que l’apparition sur les réseaux sociaux du nom d’Alberta Cross pour renforcer le retour parisien de The Temperance Movement a transformé cette soirée au départ sympathique en concert à ne pas louper.
Alberta Cross, c’est en fait Peter Ericson Stakee, chanteur et guitariste suédois, seul membre permanent depuis le départ du bassiste Terry Wolfers en 2013. Le groupe s’est fait connaitre en 2009 par le formidable Broken Side of Time, qui a démontré qu’il n’était pas nécessaire d’être né dans l’Alabama pour livrer ce qu’il y de meilleur dans l’Americana, des chansons poignantes magnifiées par une voix qu’on ne peut pas ne pas comparer à celles de Neil Young. Stakee a publié en 2014 une version réimaginée de son premier album autoproduit The Thief and the Heartbreaker avec une cohorte d’invités classieux (Joseph Arthur, Katie Melua, Dylan Leblanc, Ed Harcourt, ça le fait !) pour mettre sur le devant de la scène de superbes titres qui n’avaient pas rencontré leur public à l’époque du fait de la très faible distribution du disque.
Quelques mois après sa prestation au festival Eldorado, c’est en solo que Stakee revient nous donner de ses nouvelles. Principalement armé d’une guitare electrique, mais avec un titre en acoustique, il nous livre de nouveaux morceaux entrecoupés d’un magnifique Find a Home Out There, la perle de l’album What Are We Frightened Of de 2020, et le grand classique Old Man Chicago, morceau emblématique de Broken Side of Time dans une version poignante, proche de celle qu’il nous avait livrée en ligne durant le confinement. C’est une évidence en l’écoutant, les titres font plus que tenir la route en solo, et le public est conquis par ces arrangements. Stakee promet qu’il fera plus de bruit la prochaine fois avec un groupe complet, mais pour nous, en tout cas, c’est clair, un concert d’Alberta Cross est toujours indispensable, quel que soit le format choisi.
The Temperance Movement arrivent sur scène à 20h. Etonnant de constater que les cinq années pendant lesquelles le groupe était séparé n’empêchent pas le concert d’être complet ce soir. Formé en 2011 par le chanteur Phil Campbell, il est responsable de trois albums au cours de la décennie suivante : The Temperance Movement en 2013, suivi de White Bear et A Deeper Cut. Pas la peine de trop chercher les influences, qui sont évidentes : Faces, Black Crowes, Bad Company, avec une petite touche de Zeppelin, évidemment. Rien d’original, mais très réussi dans le style. En 2020, Campbell visiblement lassé, quitte le groupe, avant de revenir, à la surprise générale, cette année, réclamer un trône du meilleur groupe revival 70’s, qui lui a été piqué par les Rival Sons.
Aucun nouvel album n’étant sorti, ils vont naturellement piocher dans les trois disques du groupe, avec une prédilection pour le premier, qu’on peut en effet juger comme étant le plus solide. Ils attaquent d’entrée par un morceau acoustique Chinese Lanterns : autour de la guitare acoustique de Paul Sayer, le groupe de réunit en cercle et chante à cinq voix, pour un symbole évident de leur reformation et fraternité retrouvée. Le concert va prendre son envol avec deux autres morceaux du premier album, Only Friend et Take It Back, dans une pure tradition blues rock avec la participation du public.
Paul Sayer s’avère être un excellent guitariste, et Campbell commence son numéro. Très proche, au niveau capillaire et accent écossais, de Rod Stewart, et avec des tics vocaux à la Chris Robinson, il va faire le show pendant 1H40, en véritable showman exubérant et désarticulé : au bout de 10 minutes, on a compris, le groupe pouvait en effet difficilement se passer de lui… Caught In the Middle, premier extrait de A Deeper Cut, poursuit dans la veine Black Crowes du second album, avant que Pride, jolie ballade qui remonte à leur premier EP autoproduit, prouve que le groupe sait ralentir le tempo, et est à l’aise également dans ce registre. Another Spiral poursuit un peu plus tard sur cette veine, une chanson dédiée aux rejetons du groupe dont on peut trouver les paroles un brin gnangnan : « Gentle is the love I breathe for you into my arms, run into my arms, you were made for it » (Doux est l’amour que je souffle pour toi dans mes bras, cours dans mes bras, tu es fait pour ça), mais le morceau est néanmoins sauvé par un solo très sympa de Paul Sayer.
On notera par la suite un Oh Lorraine avec une intro piquée sur le Thunderstruck d’AC/DC, et une nouvelle ballade, A Deeper Cu, avant le rappel, au bout d’une heure vingt d’un concert sans temps mort. Un rappel qui démarre avec Have You Ever Seen the Rain ?, une fausse bonne idée dans le sens où elle met en évidence la différence avec des compositions efficaces et le génie de Fogerty. Midnight Black donne l’occasion aux deux guitaristes de se faire un trip Allman Brothers (avec moi, ça marche à tous les coups), et ils concluent avec Serenity un concert bien sympathique.
En sortant de la salle et déambulant Place de la République, on se dit que, certes, nous n’avons pas assisté au concert le plus original de l’année, que leur musique est prévisible, mais que ce groupe a comblé le public venu en nombres, plus jeune et féminin que dans d’autres concerts récents de groupes à guitares.
Texte : Laurent Fegly
Photos : Philippe Del Medico