L.A. Witch – Doggod : en laisse

Les trois californiennes de L.A. Witch érigent la nonchalance comme art. Avec ce troisième album, Doggod, les sonorités indie garage rock, superbement produites par le studio parisien Motorbass, donnent le change dans une atmosphère bien dark.

L.A. Witch
Credit Rhyan Santos

Sur internet, on peut voir les trois filles de L.A. Witch à leurs aises dans le studio de la rue des Martyres. Pieds nus, elles partagent la même pièce qui déborde d’amplis et de pédales d’effets. On le devine, les sessions du nouvel album Doggod ont été enregistrées live, hormis quelques arrangements discrets et le chant éraillé de la guitariste Sade Sanchez. Après deux albums aux consonances garage-psyché (LA Witch en 2017 et Play With Fire en 2020), L.A. Witch s’est forgé un son nouveau, qui pourrait se résumer à un mix entre celui des Wipers et de The Cure de 1979. La production très mate, à la limite du low-fi, contraste avec une guitare claire au chorus discret, loin des ambiances psyché des débuts du groupe. Musicalement, Sade Sanchez, accompagnée de la bassiste Irita Pai et d’Ellie English à la batterie, défriche le garage en y insufflant une petite dose de punk/new wave et d’indie rock. Sa voix rappelle celle de Courtney Love de Hole, et ravive l’esprit Riot grrrls. Doggod, le titre du nouvel album est un palindrome, qui unit la soumission au divin. Sanchez avoue « J’ai l’impression d’être une sorte de serviteur ou d’esclave de l’amour. Il existe un lien symbolique entre les femmes et les chiens qui exprime la position subalterne des femmes dans la société »

L.A. Witch - DoggodSur les neufs titres qui composent Doggod, Icicle et Kiss Me Deep se démarquent aisément. Au minimalisme affiché s’ajoute un détachement louable. La section rythmique flirte avec un krautrock aux aguets, la guitariste-chanteuse au jeu vif et virevoltant tolère quelques discrètes nappes synthétiques. Le chant habité pousse L.A. Witch dans une forme de désenchantement, et la fraîcheur dégagée laisse penser qu’elles ont gardé les premières prises avec leurs petits défauts (léger désaccordage et petits pains) qui en font tout le charme. Les mélodies en boucle deviennent obsédantes. Tout comme sur 777, aux touches de punk déviant, le son de la guitare tourbillonne d’effets, la voix lancinante surfe sur une rythmique monochrome redoutablement efficace.

I Hunt You Pray se paie des guitares en saturation hypnotique, les paroles anxiogènes célèbrent l’abandon et le danger. Pendant que le foutraque Eyes Of Love explore plusieurs voies, Sade Sanchez se démène avec des histoires d’amour, de mort et de spiritualité.

The Line laisse la basse faire le job dans un esprit post punk, alors qu’un synthé tire la bourre aux riffs de guitare. Un peu de remplissage avec le presque acoustique Lost At The Sea qui pose la voix sur une instrumentation classique que SOS va pousser dans des retranchements cold. Au final, c’est le titre éponyme, Doggod, qui contribue le mieux à la transition fuzz-psyché de leurs débuts vers des horizons plus 80’s.

Menaçant et romantique à la fois, L.A. Witch lâche dans le texte « Accrochez-moi à une laisse / jusqu’à ce que j’attende ma libération ». Ainsi soit-il.

Mathieu Marmillot

L.A. Witch – Doggod
Label : Suicide Squeeze Records / Modulor
Date de sortie : 4 avril 2025

 

DOGGOD de L.A. WITCH

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