On avait le droit d’attendre quelque chose du second film de Mimi Cave, bénéficiant d’une distribution intrigante. Malheureusement, sur un sujet classique mais prometteur, Holland ne nous offre rien de substantiel, et reste désespérément artificiel.
Derrière l’apparence brillante, lustrée, pimpante d’une petite ville américaine, dorment de redoutables secrets qu’il vaut mieux ne pas chercher à découvrir : voici en une phrase le « pitch » de Holland, le second long-métrage de Mimi Cave, repérée suite à son Fresh, ayant fait naître quelques espoirs vis à vis de cette toute jeune réalisatrice, qui s’était illustrée dans le domaine du clip. Bien sûr, bien des auteurs, voire de simples metteurs en scène, ont traité ce même sujet au cinéma (ou en série TV), et s’il n’y avait qu’un seul nom à citer, ce serait évidemment celui de David Lynch, qui, avec son magique et sulfureux Blue Velvet, a affolé les sismographes.
On n’attendait certainement pas de Mimi Cave qu’elle se rapproche même du génie de Lynch, mais on espérait quand même échapper à ce qu’elle nous offre ici : un objet parfaitement exécuté, avec une image magnifique – quand il s’agit de représenter l’univers artificiel de Holland, une petit ville US située au bord du lac Michigan, qui a développé une image touristique singulière autour des racines hollandaises de sa colonisation, avec tulipes, sabots et moulin à vent – et une mise en scène compétente, nous offrant çà et là quelques jolies idées. Mais également un pur objet, aussi vain et sans vie qu’une rutilante tulipe de plastique, aux couleurs éclatantes, mais finalement totalement vaine.
Et pourtant, Holland bénéficie d’une jolie distribution : Nicole Kidman est la « desperate housewife » standard, qui commence à se poser des questions sur la vie secrète de son mari – interprété par Matthew Macfadyen, le judicieusement visqueux Tom de Succession. Elle sera aidée dans son « enquête » par un ami, immigré latino qui peine à trouver sa place dans la société US, et qui en pince pour elle (Gael García Bernal, loin des rôles incandescents de sa jeunesse, et qui échoue à conférer le moindre sens à son personnage). Ce qu’ils vont découvrir dépasse de loin leurs pires craintes… sauf que, arrivé à la « grande révélation », le spectateur n’en a déjà plus rien à faire depuis longtemps.
Hésitant constamment entre thriller – mais sans que ne naisse jamais aucune tension – et la comédie de mœurs façon Coen Brothers, Holland ne fonctionne dans aucun de ces deux registres : il ne nous fait ni rire, ni trembler, mais nous assomme littéralement d’ennui. Lorsque la violence gore éclate, il est trop tard pour que cela puisse encore sauver le film…
On nous rétorquera que Nicole Kidman fait, comme toujours, le job, et c’est le moins que l’on puisse attendre d’une actrice de ce calibre. Reste qu’elle est constamment ici dans sa « zone de confort », répétant des mimiques, des attitudes, des intonations qu’on a déjà beaucoup trop vues chez elle.
Au final, Holland ne lève jamais le voile sur « ce qu’il y a derrière les apparences », trahissant la promesse de son Marketing. Alors que le scénario ne manque pas de pistes potentiellement fécondes (l’élève victime de la violence paternelle, le mal-être existentiel du « brown man » qu’est Dave Delgado, le grand écart que doit faire le mari entre son image bien lisse et sa noirceur cachée…), le film se clôt sur des banalités mille fois vues et revues. Et ce ne sont pas les dernières images, jouant la carte d’une possible ambigüité qui arrive, elle aussi, bien trop tard, qui y changeront quelque chose…
Eric Debarnot