La neige est sale en Islande, tâchée du sang et des larmes des femmes que les hommes maltraitent. Mais heureusement qu’il y a aussi des femmes capables de lutter contre ce mal. Après Rouge comme la mer et Froid comme l’enfer, Noir comme la neige clôt cette trilogie de Reykjavik, et Lilja Sigurdardóttir nous rappelle à nouveau ce qu’est le mauvais genre.

Un conteneur rouge posé sur la neige (noire donc !) au milieu de nulle part, en Islande évidemment, avec cinq femmes à l’intérieur dont quatre décédées. Ce n’est pas révéler un grand secret de die qu’il n’y a qu’une seule survivante, c’est le point de départ du roman qui raconte, on l’aura compris, une histoire de trafic d’êtres humains. Des femmes, qui viennent d’un peu partout dans le monde, sont enlevées à Paris, cachées dans un conteneur, transportées en camion en Belgique, puis en bateau en Islande avant… avant que le pire ne se produise et qu’elles ne meurent.
Évidemment, les organisateurs du trafic n’ont pas pensé un seul instant qu’il serait difficile de survivre dans une boite de métal non isolée avec le froid qui règne en hiver in Islande. Et quand ils découvrent ce qui s’est passé, ils paniquent. Au point de laisser le conteneur et son macabre contenu bien en évidence, comme une sorte d’appel à la police pour qu’elle le découvre (poussés, qui sait, par une sorte de sentiment de culpabilité mal refoulé ou peut-être juste par vanité et bêtise). La police ne met pas longtemps à découvrir la boite, à l’ouvrir et à découvrir son horrible contenu.
C’est Daniel, l’un des personnages récurrents de la série, qui fait la macabre découverte. Il va faire partie de ceux qui aident à résoudre l’énigme, aidé par un autre personnage récurrent de la série, Aurora (toujours très amoureuse de Daniel), son flair, son talent et à quelques circonstances favorables. Après 290 pages, 93 chapitres, et le genre de rebondissements que Lijla Sigurdardóttir affectionne particulièrement, la police finit par mettre le grappin sur les trafiquants, lesquels sont russes comme dans les précédents romans de la trilogie.
En réalité, l’enquête n’est pas le cœur du roman. À la différence des précédents, on comprend vite qui a fait le coup, on comprend vite aussi pourquoi les coupables vont être arrêtés. C’est juste une question de temps. Ce qui importe ici, ce sont les personnages et plus précisément leur genre. Les hommes ont pour la plupart le mauvais rôle (le seul qui échappe à ce sort est Daniel, parce que c’est un brave garçon, mais un peu bêbête quand même) ; ils sont soit idiots, soit arrogants, soit prétentieux, soit méchants et, dans le cas des russes, tout ensemble. La plupart des hommes représentent le mal. Il y a bien une femme qui les aide, mais elle n’est là que pour faire ce que les hommes ne pourraient pas faire, aider à enlever d’autres femmes. Les femmes sont en effet soit les victimes, soit celles qui résolvent les problèmes. Comme Aurora, une femme forte, grande (on nous rappelle régulièrement qu’elle a hérité cette caractéristique de son père), qui fait sa centaine de squats et sa cinquantaine de pompes tous les matins avant de boire des smoothies hyper-protéinés et de partir à l’assaut de la bêtise des hommes. Sans elle, ni Daniel, ni la police ne pourraient faire grand-chose. Un roman de genre.
Alain Marciano