[Arte] : « Douglas is Cancelled » : une comédie grinçante so british autour de la « cancel culture »

Retour en forme pour Stephen Moffat, le créateur de Doctor Who, avec ces 4 épisodes au vitriol qui se jouent des jugements hâtifs et des stéréotypes attendus pour évoquer de manière inattendue les dérives actuelles de la rumeur publique à l’ère des réseaux sociaux et du mouvement meToo et consorts.

Douglas is cancelled
Karen Gillan, Hugh Bonneville – Copyright Nick Wall / BBC Studios / Har

La série courte (4 épisodes seulement) démarre assez rapidement sur son sujet factuel : Douglas, présentateur phare d’une émission d’info populaire de télévision, subit une impopularité croissante sur les réseaux sociaux à la suite d’un tweet qui l’accuse de propos très sexistes entendus lors d’une soirée de mariage arrosée. N’en tenant pas vraiment compte au départ, l’incriminé, plutôt débonnaire et assez méprisant avec tout le monde – façon masculinité toxique, mais pas trop quand même – devient vite une cible pour ses détracteurs, mais aussi pour ses partenaires. Sa femme, rédactrice en chef de presse tabloïd, commence à se poser vraiment des questions sur la sincérité de son homme, mais c’est surtout sa partenaire d’émission, avec qui il a des relations amicales bien que très professionnelles, qui décide d’apporter du crédit à cette rumeur en partageant le tweet avec sa communauté… stupeur et tremblements, l’affaire s’emballe… jusqu’à un dénouement implacable et terrible, que l’on ne dévoilera pas ici.

Douglas is cancelled afficheDouglas is Cancelled est on ne peut plus british… À l’inverse de l’américaine The Morning Show au thème quasi identique, qui avait un ton sarcastique par endroits mais très sérieux et didactique au final, la série de Moffat se permet dès le départ un ton assez drôle et absurde sur certaines scènes, et des personnages caricaturaux qui évitent au sujet d’être trop sombre et pesant. On retrouve le ton décalé de Sherlock (une autre réussite de Moffat) ou de Slow Horses qui rajoutait de l’humour cynique à ses affaires d’espionnage. Ici, les deux premiers épisodes se permettent des moments presque grotesques et amusants, qui installent une ironie distante sur un sujet extrêmement tendu en ce moment (sexisme, wokisme, cancel culture).

L’idée géniale est que nous ne saurons jamais ce que contient ce tweet : tout le monde en parle, Douglas ne se rappelle même pas de ce qu’il a dit tellement il avait bu (… ou feint de ne pas s’en souvenir), mais le mécanisme médiatique de la recherche de la vérité ou de buzzer sur du possible fake est en marche. Et les masques tombent un à un, de manière inattendue… jusqu’à une seconde moitié de série qui ne rigole plus du tout. La légère gaudriole de départ s’estompe pour laisser place à des joutes verbales qui font froid dans le dos, et participent au doute généralisé chez le spectateur, forcément de plus en plus fasciné par ce qui se déroule sous ses yeux. Avec un dénouement implacable, qui rebat les cartes de la bien-pensance voulue et des jeux de pouvoir qui en découlent.

D’abord plutôt sympathique bien que convenu, Douglas is Cancelled brille par la force de son propos final. Pour cela, le jeu des acteurs Hugh Bonneville (Downton Abbey) et Karen Gillan (Doctor Who) est parfait, tout en ambivalence et strates d’émotion diverses et changeantes. On ressort un peu groggy de ce fait divers médiatique (non réel), mené avec autant de rythme que d’audace et de cynisme glaçant.

Encore une preuve que le Royaume-Uni, avec Adolescence, In My Skin, etc… devient le royaume incontestable de la série télévisée contemporaine.

Jean-François Lahorgue

Douglas Is Cancelled, série britannique de Stephen Moffat
Avec : Hugh Bonnville, Karen Gillan…
Genre : comédie dramatique
4 épisodes de 60 mn mis en ligne en France par Arte (mars 2025)

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