S’éloignant – partiellement mais de manière assez saine – de ses postulats de départ sur la violence comme solution à tout conflit, la saison 3 de Reacher gagne en complexité et confirme son efficacité…

Il n’est pas inutile de préciser d’emblée que Reacher, l’adaptation en série TV des romans de Lee Child, est devenue l’un des plus gros succès de la maison Amazon / Prime, même si les Européens que nous sommes ont du mal à ne pas tiquer devant l’idéologie caricaturalement états-unienne qui veut que la violence, perpétrée par des « gens de bien » soit une forme acceptable de réaction face au Mal qui gangrène notre monde. On pourrait d’ailleurs arguer que les « ennemis » de Jack Reacher, cet ancien policier militaire devenu « hobo » et errant sur les routes sans autre richesse que ce qui tient dans sa poche (et sans voiture !), sont toujours des gens de pouvoir, des milliardaires ou des extrémistes de droite, ce qui place Reacher sur une case assez indécidable de l’échiquier politique US. Mais on sait bien que le plus important dans Reacher, au delà de la réjouissante efficacité de sa mise en scène tirée au cordeau et de son écriture impeccable, c’est la charisme bigger than life de son acteur Alan Ritchson.
Ceux qui se souviennent encore du succès planétaire d’Arnold Schwarzenegger dans les années 80 reconnaîtront certainement un certain nombre de composants similaires dans la sympathie qu’il est si facile de ressentir vis à vis de Richtson : même si Reacher n’est pas exempte de scènes « bourrines », il y a une sorte de magie familière dans la brutalité sans état d’âme que pratique son héros, quelque chose qui vient, ou plutôt qui revient des tréfonds du cinéma le plus populaire. A noter quand même que Reacher a aussi le QI et les capacités de déduction d’un Sherlock Holmes, ce qui permet de rallier à sa cause tous ceux qui aiment leurs thrillers « intelligents » : ou comment jouer sur les deux tableaux.
Mais, après deux saisons réussies, que pouvait nous proposer de nouveau Nick Santora ? Cette saison 3 fonctionne superbement grâce à deux idées « classiques » : la première, c’est d’éloigner Reacher de son contexte initial, et d’en faire ici un agent des autorités, infiltré au sein d’une organisation mafieuse trafiquant des armes, ce qui lui ôte sa position « de force » (et d’indépendance) habituelle pour le mettre dans la peau d’un protagoniste de « film d’espionnage », devant jouer profil bas pour découvrir des informations, soit un changement de tonalité assez fondamental par rapport aux épisodes précédents ; la seconde, c’est d’augmenter sa « faiblesse » en plaçant, face à lui, et un génie du mal absolu, envers lequel il ressent une haine remontant à des événements passés (Quinn, remarquablement haïssable, et bravo à Brian Tee pour son interprétation), et une gigantesque montagne de muscles, le privant pour la première fois de sa domination physique indiscutable. La présence à l’écran d’Olivier Richters, « le géant hollandais » (2m18 et bodybuilder renommé – on en revient à Arnold !) est remarquable, et ajoute une pincée de sel à la tambouille : pour la première fois, dans le (loooong) combat final du dernier épisode, on peut craindre pour la vie de Reacher, ce qui est quand même une petite, mais réelle, réussite de la série…
… Même si on se doutait bien que Prime n’allait pas tuer la (grosse) poule aux œufs d’or, et que Reacher nous reviendrait dans un an, avec une quatrième saison que l’on espère aussi imaginative.
Eric Debarnot