Tout en respectant les principes établis par les deux premières saisons, The White Lotus continue à nous intéresser, voire à nous séduire, grâce à des personnages finement écrits et interprétés.

Tout le monde aime la série HBO, The White Lotus. Tout le monde ? Pas exactement, car quelques uns, dont j’avoue faire partie, résistent encore aux charmes douteux du petit jeu de massacre mi-jouissif, mi-déplaisant auquel se livre Mike White dans chacune des saisons de sa série-« hit ». Et, alors qu’on en est arrivé à la troisième, n’est-il pas temps de dégonfler un peu la baudruche The White Lotus ? Certainement… Et pourtant, diable, diable, ce n’est pas si facile que cela, car cette nouvelle histoire est peut-être bien la meilleure à date…
Pour ceux, de moins en moins nombreux, qui résisteraient encore à la création de Mike White, rappelons-en le principe. A chaque fois, l’action se passe dans un « holiday resort » de luxe, sous la bannière « White Lotus », ou dans ses proches environs. A chaque fois, l’histoire commence par la découverte d’un corps, avant un flashback qui va nous expliquer comment on en est arrivé là, ce qui oblige le téléspectateur à un petit jeu pervers : celui de deviner qui finira mort à la fin des 8 épisodes, et dans quelles circonstances.
A chaque fois, la majorité des personnages sont de riches touristes, pour la plupart américains : une distribution de « monstres » réunissant les tares les plus communes de cette population archétypique, complétée par quelques locaux, représentant eux aussi les stéréotypes que l’on attend quand on pense à Hawaï (la première saison), à l’Italie (la seconde) ou à la Thaïlande (la troisième et toute nouvelle saison). White mélange donc la comédie satirique – étrillant les comportements et les modes de pensée des riches états-uniens – et la comédie de mœurs en général : un programme malin puisque, si l’on rit beaucoup aux dépens des « riches », tous ridicules ou abjects (un plaisir qui nous est refusé la plupart du temps dans la vie réelle), on finit toujours par s’identifier avec un ou plusieurs des personnages de l’histoire, quelles que soient notre propre nationalité et situation économique. Finalement, The White Lotus, c’est un peu comme feuilleter un vieux Paris Match en se moquant des parvenus ou des stars et starlettes en photo, mais en les enviant aussi. C’est humain, trop humain, mais pas très sympathique, en fait.
Mais le « petit problème » de cette nouvelle saison, qu’on aimerait descendre en flammes en se plaignant de la répétition systématique des mêmes mécanismes scénaristiques, des abus d’un léger mépris surplombant tout le monde, et de l’aspect « belle image touristique » qui fatigue assez rapidement (on n’est jamais loin de la pub pour le Club Med !), c’est qu’elle ne manque pas non plus de qualités. Et ces qualités résident dans une indéniable finesse dans l’écriture des personnages, magnifiée par une interprétation la plupart du temps excellente : difficile donc de critiquer trop violemment White, auteur complet de cette série qu’il écrit et dirige ! C’est du beau boulot, indiscutablement (même si l’on peut aussi trouver que la partie médiane de la saison est trop lente pour son bien, et tourne beaucoup en rond !).
Après, chacun d’entre nous sera plus sensible à certaines des « petites histoires » qui s’entremêlent, mais répétons-le, c’est en général l’interprétation qui fait la différence. Ici, Walton Goggins (The Shield, Fall Out) est meilleur que jamais, et compose un portrait souvent bouleversant d’un homme déchiré par un désir de vengeance qui le dévore littéralement. Mentionnons aussi l’excellente partition jouée par Jason Isaacs, très convaincant dans le rôle d’un businessman peu honnête, dont l’existence s’écroule silencieusement autour de lui pendant ses vacances (difficile de reconnaître le fade Lucius Malfoy de Harry Potter !). Et puis, parce qu’on sait combien c’est important dans la réussite d’un film ou d’une série TV, il y a de remarquables apparitions de seconds rôles, dont le toujours parfait Sam Rockwell, qui nous offre la plus grande scène de la saison avec son monologue « sexuel » extrêmement troublant, voire dérangeant. Et ça, ce n’est pas rien…
Bref, en dépit de mes réticences habituelles, j’ai marché. Et du coup, j’attends la quatrième saison avec ce qui s’apparente presque à de l’impatience !
Eric Debarnot