« Lumière, l’aventure continue » de Thierry Frémaux : sans nouvel éclairage, mais pas sans plaisir.

Suite du documentaire (réussi) de Thierry Frémaux sur les Frères Lumière, Lumière, l’aventure continue n’apporte pas de nouveauté substantielle par rapport au premier volet. Mais reste le plaisir du visionnage des Vues Lumière restaurées.

Copyright Institut Lumière

En 2017, sortait Lumière ! L’aventure commence. Documentaire mettant bout à bout une centaine de Vues Lumière (dont les plus célèbres comme L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat) en version restaurée. Avec le commentaire de Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes. Et comportant le risque de la piste commentaire de blu-ray sur grand écran. Frémaux ne pouvait de plus faire comme Martin Scorsese ou feu Bertrand Tavernier, ces derniers confrontant dans leurs documentaires les films montrés avec leur travail de metteur en scène.

Mais Frémaux s’attachait à démonter les clichés limitant les Frères Lumière au statut d’inventeurs du Cinématographe et leur déniant celui de grands cinéastes au nom d’une supposée pauvreté cinématographique des Vues Lumière (incluant passages fictifs et passages documentaires) parce que tournées en un seul plan et en une prise. Aux yeux de Frémaux, les Lumière se posaient de vraies questions de cinéastes telles que comment placer caméra dans la cadre afin de révéler tel ou tel détail de ce qui était filmé.

Les Lumière seraient à ses yeux annonciateurs du versant le plus moderne et novateur du cinéma. Avec tel plan filmé sur une barque très Cuirassé Potemkine (incluant un effet très caméra à l’épaule dû aux vagues) et tel plan de marins proche du Visconti néoréaliste de La Terre tremble. Un parti pris qui avait l’intérêt d’éviter de muséifier le travail des Frères, de limiter leur intérêt au charme naïf des premières fois. Un charme cependant réel lorsqu’on voyait filmé sur sol japonais le premier (et bien réel) duel au sabre (en bois) de l’histoire du cinéma.

On peut d’emblée se demander ce que Lumière, l’aventure continue, deuxième volet reprenant le dispositif du premier, peut apporter de nouveau par rapport à ce dernier. En dehors – et c’est déjà ça – de redonner aux cinéphiles la possibilité de voir en salles des Vues Lumière dans des conditions optimales. Et ce alors que le Cinéma fête ses 130 années d’existence.

Relativement peu des nouvelles Vues Lumière permettent effectivement d’esquisser de nouvelles pistes de réflexion. C’est cependant le cas des plans tournés en 75 mm, dégageant un gigantisme annonciateur d’un certain cinéma épique à venir. Au travers d’une des dernières Vues Lumière tournées proche de ce cinéma de Méliès qui succède historiquement aux Frères, Frémaux oppose un Méliès proposant un cinéma de l’illusion, de l’artifice, annonçant Hollywood et Fellini, et des Frères Lumière préfigurant Nouvelle Vague, Néoréalisme et modernité cinématographique. Frémaux se répète sur ce point par rapport au premier volet mais l’opposition avec Méliès permet d’approfondir le propos.

Il y a d’ailleurs quelque chose de défendable lorsqu’Akerman est mentionnée. Les plans fixes de rue filmant le défilé des passants de grandes métropoles de bien des Vues Lumière évoquent ainsi ce News from home qui fut utilisé pour récréer le New York de la fin des années 1970 dans Joker.

Mais Frémaux sombre souvent dans le vraie redondance (retour de La Terre tremble) et n’évite un côté pompeux. Raconter la diffusion du cinéma à ses débuts fait cependant partie des ajouts notables. Enfin, même si les Vues Lumière offrent moins de grands moments de cinéma que celles du premier volet, elles ont le charme de ces premières fois, du moment où l’on découvre que le monde est différent vu à travers une caméra.

L’arrivée du Cinématographe marque, comme le signalait une critique d’époque mentionnée par Frémaux, la découverte que la Mort peut être défiée en filmant avec une caméra un être humain en action. Mais Frémaux a le mérite de rappeler que les Lumière représentent un peu plus que cet irréversible changement.

Ordell Robbie.

Lumière, l’aventure continue
Film français de Thierry Frémaux
Avec : Thierry Frémaux
Genre : Documentaire
Durée : 1h44mn
Date de sortie en salles : 19 mars 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.