On ne présente plus Olivier Durand ! Ou du moins on ne devrait plus le présenter… L’un des guitaristes les plus doués que l’on ait eu dans le rock français, le compagnon de longue date d’Elliott Murphy, le musicien touche-à-tout et travailleur infatigable que l’on pourra toujours rencontrer sur une scène quelque part… et surtout un véritable « honnête homme », au sens classique du terme, du Rock… Et Olivier nous a préparé un 5+5 passionnant. On lui laisse la parole.

Olivier : Il m’est toujours difficile de faire un choix, il m’est d’autant plus difficile aujourd’hui de le faire, à ce moment précis de mon voyage musical je passe beaucoup de temps à jouer, composer, enregistrer… La plupart du temps lorsque je suis chez moi, je n’ai pas le temps d’écouter de la musique, par contre dès que je prends ma voiture, j’enclenche la musique ! Mais comme beaucoup de gens aujourd’hui, j’ai une playlist avec mes titres « likés », je me retrouve donc rarement à écouter un album dans son entièreté.
5 disques du moment :
Elliott Murphy : Eternity
Comme pour beaucoup de musiciens, le dernier album qu’on a sorti est celui qu’on écoute le plus. Celui là particulièrement, car pour moi il se dégage une forme de sérénité dans ses chansons, une sérénité qui fait du bien dans notre présent plutôt agressif. Je ne recherche plus de colère, de révolte dans la musique aujourd’hui, j’ai dépassé largement l’adolescence, j’ai besoin d’être ému, que le texte me parle, tout comme je ne recherche plus la virtuosité mais la musicalité. Ma chanson préférée qui me semble avoir la force d’un You never know what you’re in for, par exemple, c’est Night Surfing.
Lola Sauvageot : L’Animale
Lola est une jeune artiste que j’ai découvert à travers mon fils Khalil, qui est devenu son batteur. C’est un EP 5 titres… Il fut un temps, avec l’arrivée du CD, les albums avaient une vingtaine de chansons : c’était long, il y avait souvent du remplissage. Repasser à un modèle plus court, repenser le format Vinyl 8/10 titres, ça s’imposait. L’EP permet de se concentrer sur l’essentiel. Sur cet EP, j’aime la voix de Lola, de nouveau une ambiance musicale plutôt paisible, pas de démonstration, juste des chansons. J’aime l’ouverture d’esprit de ces jeunes artistes, nous étions bien plus enfermés dans notre monde musical. Une préférence pour la Vague ou l’Animale.
Ian Hunter : Defiance 1 & 2
J’ai découvert assez récemment la richesse des chansons de Ian Hunter. A chaque album il y a des perles, sur ces deux albums enregistrés pendant le Covid, il y a en vraiment plusieurs : Bed of Roses, Guernica, People, Hope… Et pour compléter le tout, des invités de marque qui viennent poser leur empreinte sur ces chansons : Ringo Starr, Jeff Beck, Lucinda Williams… Ian Hunter continue d’écrire à plus de 85 ans de superbes choses. Un modèle !
Rolling Stones : Hackney Diamonds
Ce qui me touche dans cet album comme pour celui de Ian Hunter, c’est le fait que malgré les années qui s’accumulent, ces artistes sont toujours capables d’offrir des albums qui se tiennent. C’est rassurant lorsque l’on est musicien, auteur compositeur, c’est un exemple, un espoir d’avoir toujours en soi cette envie, ce besoin d’écrire, de s’exprimer. C’est même une sacré liberté ! Driving Me Too Hard, Dreamy Skies... Mick a toujours cette voix, les riffs de Keith… Rien de nouveau mais malgré tout tellement plus plaisant à mes oreilles que nombre de nouveautés qui ne me semblent pas en être, avec des chansons sans ponts, sans nuances, sans personnalités. (Le look ou les vidéos ne font pas, à mon goût, une bonne chanson !
Les Innocents : 6 1/2
Là encore, il y a quelque chose d’apaisé dans ces chansons, là encore un album de 10 chansons qui va à l’essentiel. On se connait depuis longtemps, j’ai appris à écouter l’univers pop à la française des Innos, moi qui était un rockeur havrais limité par cette étiquette. Dans cet album, il y a tout le savoir faire de Jean-Chri et Jipé, des chansons pop comme Apache ou Quand la nuit tombe, mais des choses aussi, comme Des îles d’amnésie ou Slow #1, un peu moins faciles… Là non plus, pas de démonstration de virtuosité ou d’arrangements superflus, on est au service de la chanson avant tout. C’est ce qui m’importe aujourd’hui.
J’aurai pu aussi parler des albums de James Maddock, Eric Bazilian, de l’Interzone de Serge Teyssot Gay, du Tedeschi-Trucks band…
5 disques pour toujours :
Patti Smith : Easter
Le passage à l’adolescence, laisser les disques de Dave, des Martin Circus et autre Michel Fugain derrière. L’influence des copains, copines du quartier, de mon frère qui se fait sentir. Bien sûr Because the Night a fait son œuvre, j’ai sans doute commencé à découvrir une musique moins lisse que celle que j’écoutais auparavant… Une rébellion aussi ! 25th Floor m’avait marqué … J’ai ensuite cherché à en savoir plus sur Elle, j’ai passé beaucoup de temps à écouter Wave…
Queen : Night at the Opera
Un jour mon frère m’a offert le 45 tours Spread Your Wings, et comme ça m’est arrivé souvent depuis, dès que j’ai un coup de cœur, je veux en savoir plus, et j’essaie d’écouter l’ensemble de la discographie de ces artistes qui me touchent. Je suis tombé sur le Vinyl blanc de Night at the Opera, j’ai aimé l’éclectisme de cet album, ok il y a Bohemian Rhapsody, mais aussi You’re My Best Friend, 39 (qu’il m’arrive de jouer en solo), Good Company, Love of My Life… Il y a les voix, les idées saugrenues d’arrangements , tant de choses à écouter, à découvrir.
AC/DC : Highway to Hell
Et me voilà devant ma glace avec ma raquette de tennis, mon bermuda et mon cartable sur le dos à singer Angus! Je suis un rebel ! Trois/Quatre accords et c’est parti pour des chansons-hymnes, des solos de guitare bluesy… Un déclic, mon premier groupe, les tâtonnements à la guitare avec des songbooks pas très « helpful »… Girls Got Rythm, Touch Too Much, Shot Down in Flames… Il y a ce beat de batterie, la basse qui ronfle, les riffs implacables, Bon Scott.. Rien à ajouter !
Tom Waits – Raindogs
Je me souviens encore être rue des Chantiers au Havre, chez Little Bob, écouter Heartattack & Vine, plus jazzy-bluesy, puis Raindogs… Et là j’entre dans un autre monde, un voyage chez Tom Waits. J’aime tant de chansons sur cet album, chacune avec son petit truc spécial : Cemetery Polka, Jockey Full of Bourbon (Marc Ribot !), Tango Til They’re Sore, Hang Down your Head, Time… Et Downtown Train… Imparable ! il y a du Kurt Veil, du blues, de la ballade pop, du sud américain… des ambiances qui nous emmènent dans un film en Noir et Blanc, Down by Law… Des arrangements qui ont fait la marque de Tom Waits… De la contrebasse, des percussions plus que de la batterie, et Ribot ou Keith Richards… Avec mon ami Marc Minelli, nous avons sorti notre petit tribute : An Evening with Tom.
Bob Dylan – Time out of Mind
Nous sommes en septembre 1998, et je pars pour ma première tournée en duo de plus de 3 semaines avec Elliott Murphy. Et tous les jours, on écoutera cet album en prenant la route pour notre prochaine date. Je vais vraiment découvrir Bob Dylan, avec les explications d’ Elliott, porter une attention particulière aux textes, comprendre de quoi il parle, ça
comptera alors beaucoup pour moi ! Il y a Trying to Get to Heaven, Standing in the Doorway, et surtout Make You Feel My Love que je reprendrai quelques années plus tard aux côtés d’Elliott et de Scarlet Rivera…
De nouveau, il en manque, que ce soit pour mes amours d’adolescent comme la guitare de Michael Schenker chez Ufo, ou par la suite le Kind of Blue ou le Tutu de Miles Davis. Et Gainsbourg, John Hiatt, Ry Cooder… J’aurai aussi pu dire que j’écoutais les Beatles, Bowie, le Velvet, Springsteen et tant d’autres, mais ce serait mentir, pendant longtemps j’ai fui tout ce qu’on me disait voire ordonnait d’écouter. Je me rattrape aujourd’hui en essayant de dépasser toutes les frontières que l’on peut s’auto-imposer !
Le dernier album (instrumental) d’Olivier Durand, Mandola & More, est paru le 12 décembre 2024.
Prochains concerts :
Le 3 mai : Showcase chez Joseph Gibert (Paris)
Le 14 juin : Festival Polar à la Plage (Le Havre)