Mikado, de Baya Kasmi : « faire famille », malgré tout

À travers l’histoire mouvementée de Mikado et Laetitia qui ont choisi pour leur famille une vie en marge de la société, Baya Kasmi nous interroge sur le poids des blessures de jeunesse et les choix que l’on fait pour ses propres enfants, au nom d’une liberté qui s’avère illusoire. Un film qui, hélas, déçoit par son scénario faiblard et la platitude de ses clichés.

Mikado de Baya Kasmi 

Il s’appelle Mickaël mais il se fait appeler Mikado. Parce qu’il a voulu effacer le prénom de ses origines ? Parce qu’en dépit de sa nature colérique, il aime ce jeu qui exige patience et doigté ? Parce qu’après une enfance qui l’a conduit de foyers tristounets en familles d’accueil souvent maltraitantes, son identité ne peut être qu’éclatée ? Après le très réussi Youssef Salem a du succès, Baya Kasmi change de registre pour s’interroger sur ce que signifie « faire famille ». Mickaël, Mikado donc, a fait le choix d’une vie en marge de la société. Il est, comme on dit, « anti-système », mène une vie nomade dans un vieux fourgon aménagé en camping-car avec sa femme Laetitia, elle-même une enfant de la DDASS et leurs deux enfants, Nuage et Zéphir (si si..). Jusqu’au jour où, par les hasards d’une rencontre et d’une panne de moteur, ils se retrouvent dans la superbe bastide de Vincent, un professeur de lettres veuf et père d’une adolescente.

Mikado de Baya Kasmi Mikado est construit autour d’un mystère qui s’éclaircira peu à peu. Pourquoi Mikado (Félix Moati) et Laetitia (Vimala Pons) ont-ils des allures de fugitifs? Pourquoi redoutent-ils la police ? Pourquoi s’appliquent-ils à cacher leurs enfants ? Le choix de la marginalité ne peut pas tout expliquer. Il est construit aussi autour de ce qui sera une forme d’initiation à une autre vie, sédentaire et confortable, un apprentissage des relations humaines extra-familiales. Les désaccords, perceptibles dès les premières scènes entre Mikado et Laetitia, ne font alors, malgré l’amour qui les unit, que se creuser : au désir de Mikado de reprendre la route sans se laisser aller à la douceur d’une existence « bourgeoise », s’oppose celui de Laetitia de se poser un moment, de s’offrir le plaisir d’un bain moussant et de quelques gouttes de parfum. Ce désir, elle le partage avec Nuage (Prudence Munchenbach), une pré-adolescente fascinée par le monde qu’elle découvre à travers Thea (Saul Benchetrit), la fille de Vincent (Ramzy Bedia) : le plaisir d’une chambre à soi, les livres à profusion, les jolies robes, les bandes de copains, et surtout le collège. « Mikado » soulève des questions intéressantes : le droit des parents à faire pour leurs enfants des choix qui les marginalisent et leur imposent un qui-vive constant ; la difficulté pour un gamin qui a grandi sans amour à faire confiance à la société – le portrait de Mikado, un écorché vif qui demande qu’on lui fasse justice est en ce sens éloquent. Il montre aussi comment des rapprochements inattendus peuvent se faire en dépit des différences, autour de blessures jamais refermées, d’un goût commun pour la littérature, comment l’épreuve du deuil peut peser sur la relation entre un père et sa fille, et comment chacun se bat, à sa façon, pour surmonter les épreuves de la vie.

Hélas, Mikado est un film qui promet plus qu’il ne donne. Au départ, une idée forte : comment un père au surnom qui fleure bon l’enfance devient adulte en prenant conscience qu’il a imposé à sa famille ses propres choix et que la liberté qu’il brandissait comme un étendard n’était qu’un leurre, pire, une prison. Mais elle est desservie par un scénario faiblard et prévisible, une mise en scène bien plate, des dialogues pauvres et souvent redondants, des situations convenues, et une fin attendue qui cède à la tentation du pathos. De ce qui aurait pu, de par son sujet, être un film âpre, Baya Kasmi a choisi de faire un drame léger enveloppé dans la lumière dorée d’un été méditerranéen, un film gentillet qui enfile les clichés et se sert de la musique comme béquille – avec pour leitmotiv La Rua Madureira de Nino Ferrer. Bref, on sort de là bien déçu.

Anne Randon

Mikado
Film français de Baya Kasmi
Genre : comédie dramatique
Avec Félix Moati, Vimala Pons, Ramzy Bedia, Prudence Muchenbach.
Durée : 1h34
Sortie : le 9 avril 2025

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