Version bretonne de Stranger Things, Anaon n’a rien de ridicule ni de déplaisant, mais passe quand même à côté de sujets intéressants, faute d’ambitions et de rigueur dans l’écriture.

« Anaon », qu’est-ce que c’est ? Eh bien, c’est tout simplement un mot breton signifiant « l’au delà », ce lieu mystérieux, mystique ou imaginaire suivant les croyances de chacun, où vont les âmes après la mort. Anaon, c’est aussi une nouvelle série française, que l’on prendra le risque de qualifier « pour jeunes adultes et plus si affinités », qui tourne autour d’un concept rappelant assez furieusement celui de Stranger Things : alors qu’une créature effrayante rôde autour d’un petit village breton, semblant « voler les âmes » de ses premières victimes égarées dans les bois, trois adolescents se lancent dans une enquête à la frontière du surnaturel pour comprendre ce qui se passe… leurs découvertes ne recueillant bien évidemment que l’incrédulité des adultes autour d’eux… Jusqu’à ce que nul ne puisse niez les évidences…
Il y a dans la série de Sylvain Caron, Bastien Dartois et Elsa Vasseur pas mal de bons (et vrais) sujets, qui, habilement entremêlés sous une forme de divertissement « spielbergien » classique, mais dans un contexte de « comédie dramatique » extrêmement français, sont plus que prometteurs. Car la mère de Wendie, l’adolescente au centre de l’intrigue, qui est aussi l’épouse de Max, le policier menant l’enquête sur des disparitions inquiétantes, est morte dans un incendie quelques mois auparavant, ce qui positionne Anaon comme un jolie métaphore sur le travail de deuil que mari et fille doivent faire, chacun à leur manière : un deuil compliqué par cet « espoir » que les portes séparant notre réalité de l’au-delà puisse être franchies, permettant des retrouvailles avec nos chers disparus. Car, également, il y a ce fil scénaristique – impossible dans un Stranger Things situé dans des USA forcément sans passé ni réelle mémoire – qui plonge dans les origines de la fondation du village, et relie les générations entre elles dans une sorte de malédiction (ou de bénédiction si l’on parle de « pouvoirs magiques » qui se transmettent). Il y a enfin l’indéniable puissance des légendes celtes, cachées dans des ruines enfuies au fond de forêts ancestrales, qui ont quand même, avouons-le, fière allure. Tout cela laisse présager une belle série conjuguant « tradition française » et divertissement « dans l’air du temps », et ce d’autant que les effets spéciaux – le monstre en particulier, qui rappelle le travail d’un Guillermo del Toro – n’ont rien de honteux.
Malheureusement, nos espoirs sont vite déçus, l’écriture maladroite de la série amenant de nombreuses invraisemblances dans le déroulement de l’histoire, d’incohérences qui détruisent la crédibilité du concept. L’interprétation – qui est souvent le talon d’Achille des productions télévisuelles françaises – n’est pas non plus toujours convaincante. Pire encore, toutes les promesses de complexité émotionnelle ou de profondeur thématique sont sacrifiées sur l’autel des stéréotypes, finalement guère plus riches que ceux qui fleurissent dans les séries US équivalentes.
Bref, sans être un désastre, parce qu’elle se regarde avec curiosité et sans déplaisir, Anaon est une occasion manquée, et bien manquée.
Eric Debarnot