KaS Product – Reloaded : retour de flamme

Reloaded, album rock pugnace, tourmenté, griffé d’électronique provocante, marque le retour aux affaires de KaS Product, qui est désormais le véhicule idéal pour l’intensité vocale de Mona Soyoc.

Kas Product
© Emmanuelle Margarita/Verycords

Je vais être très honnête, je le dois aux fans – et ils sont nombreux – de KaS Product, le duo « électro »… un terme qu’on n’utilisait pas vraiment à l’époque… ou donc plutôt new wave nancéen ne faisait pas partie de mes favoris. A l’époque, donc, – on parle du début des années 80 -, même si la Cold Wave et le Synth Punk étaient deux de mes « tasses de thé », j’avais trop de groupes formidables de « vague froide » à découvrir de l’autre côté de la Manche. Et puis, en ce qui concerne le rock’n’roll déglingué au synthé, Suicide me comblait parfaitement. Bref, je suis passé à côté de ce duo qui mêlait électroniques, boîtes à rythmes (le domaine de Spatsz) et instrumentation et vocaux « rock » (Mona Soyoc). L’arrêt de leurs activités en 1988, puis des retours occasionnels à partir de 2015, ne m’ont pas particulièrement ému non plus…

ReloadedPourtant, il y a quelque chose d’intriguant, même pour moi, dans cette renaissance – et le terme est bien plus sympathique que celui, anglais, de « Reload » – d’une entité musicale, légendaire pour beaucoup, après le décès tragique de Spatsz en février 2019. KaS Product en 2025, c’est donc Mona Soyoc, désormais accompagnée de nouveaux musiciens (Pierre Corneau, de Marc Seberg, à la basse et Thomas Bouetel aux claviers et aux synthés). La pochette de Reloaded est particulièrement explicite, ce qui est appréciable : elle reprend quasiment à l’identique celle de Try Out, le premier album datant de 1981, avec de petits détails qui doivent forcément faire sens : la fleur est plus épanouie, plus charnelle encore, tout en ayant désormais fusionné avec le cadre géométrique qui a été contaminé par sa couleur rouge. Tout un programme… qui donne envie d’aller explorer ce nouvel album, que l’on attend à la fois dans la même ligne que ce qui a précédé, mais « ré-inventé ».

Et, de fait, dès l’ouverture avec Last Chance, les choses sont claires : c’est le côté « Rock » du groupe – Mona, évidemment – qui est au premier plan. Un peu new wave dans la clarté de ses intentions comme de son exécution, avec une coloration synthétique bien entendu, mais une coloration seulement. Last Chance est tendu comme une corde prête à se rompre, et la voix de Mona a des intonations dramatique immédiatement prenantes : ça pulse, ça accroche, c’est du sérieux. Human Complexity est moins rentre-dedans, plus… complexe (!) : plus dansant, mais également plus émotionnel, avec le chant qui virevolte et monte dans les aigus à la faveur d’une mélodie obsédant. Security a de surprenant accents « soul », restant en permanence au bord d’une explosion qui n’arrivera jamais. Showdown, à l’inverse, fait preuve d’une férocité presque effrayante… ou tout au moins extrêmement attrayante : sur un beat électronique, c’est une chevauchée de walkyries hululantes, de fantômes grimaçants. Et ça risque d’être un beau morceau de bravoure en live. No Distance revient sur les terres du Rock héroïque, martial, des années 80 : on conspuait ces démonstrations de force, à l’époque, mais, avouons-le, ça fait du bien d’entendre à nouveau ce genre de chansons martiales, surtout traversées ainsi de déchirements électroniques et de guitares furibardes.

I Don’t Care, le single, reprend les principes d’une synthpop accueillante, sur laquelle on pourrait se trémousser gentiment, si la voix de Mona ne nous incitait à la vigilance par rapport à une époque qui est bien décevante par rapport à ce que nous espérions du futur, qui est bien… révoltante. « I ain’t got no time for this shit show ! » (Je n’ai pas le temps pour ce spectacle de merde !). On est bien d’accord, Mona ! Golden Dawn est une très belle chanson à la fois lyrique et hypnotique, où la voix fait des merveilles, sur un tapis électronique et un martellement obstiné, et qui atteint de beaux sommets d’émotion. The Changing of The Seasons est l’un des rares titres lents, mais également moins convaincants de Reloaded : tombant dans la grandiloquence qui menace cette nouvelle version de KaS Product, il séduira néanmoins tous ceux qui aiment leur Rock franchement théâtral.

Parlez-vous français ? est funky (but chic !), et n’est pas, non, une chanson en français, mais décline sensuellement les clichés amoureux que les Anglo-saxons associent à notre langue (« Ooh La La ! » « Coup de foudre », etc.). Mona adopte même un accent anglais pour chanter quelques mots dans la langue de Molière. « Je veux m’amuser, je veux un baiser ». Une drôle d’anomalie dans un album plutôt sombre, voire angoissé, dans son ensemble. D’ailleurs Better Place, plus franchement post punk, revient vers la noirceur, vers les tourments, à deux doigts de sombrer dans la folie qui n’a cessé de nous menacer. Troubled Girl est une conclusion, paradoxalement, bien plus sereine, grâce à une belle mélodie lumineuse, et une orchestration un peu plus dépouillée.

Reloaded, il faut le reconnaître, ne s’éloigne pas d’un territoire arpenté dans les années 80 par de nombreux groupes, mais propose un équilibre instable et intéressant entre Rock musclé et sons électroniques anxiogènes, voire désaxés, le tout sublimé par le chant enflammé de Mona Soyoc. En tout cas, l’urgence et l’intensité sont au rendez-vous, comme si les années passées et la vie écoulée n’avaient fait qu’attiser la colère de KaS Product.

Kas Product – Reloaded
Label : Verycords
Date de parution : 11 avril 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.