« Un homme seul » de Fréderic Beigbeder : un père pas comme les autres

En 200 pages, Fréderic Beigbeder esquisse le portrait de son père, Jean-Michel Beigbeder, décédé en 2023. Un récit plein d’empathie et de sincérité pour un écrivain qui évoque aussi son enfance et l’héritage qui est le sien aujourd’hui.

F.BEIGbeder-2025
© JF PAGA

A un moment donné de leur vie, souvent après un décès, beaucoup d’écrivains ou écrivaines en viennent à évoquer le souvenir de leurs parents et de l’empreinte qu’ils ont pu laisser sur eux. C’était le cas en début de cette années 2025 avec Vanessa Springora dans le très beau Patronyme, c’est le cas encore avec Frédéric Beigbeder qui évoque lui aussi son père, Jean-Michel Beigbeder, décédé en 2023.

Un sacré personnage, si l’on en juge par la lecture des quelques 200 pages que lui consacre son fils. Beigbeder père était une sorte self-made-man, doté d’un instinct redoutable, qui s’est fait un nom dans le monde des « chasseurs de tête » dès les années 60, et qui a fini comme dirigeant d’un des plus grands cabinets de recrutement américains, avant de se mettre à son compte, connaissant des fortunes diverses sur la fin de sa carrière.

Dans son enfance, Jean-Michel a été placé dans un internat catholique par ses parents, dans le Béarn, là où il est originaire, puis à Fribourg, en Suisse. A la fin de son adolescence, il partira faire de nombreux voyages, étudiera à Harvard, et  gravira petit à petit les échelons du succès, privilégiant sa carrière plutôt que l’éducation de ses deux garçons, Charles (devenu un homme d‘affaire important) et Frédéric, l’écrivain.

Ce dernier porte un regard plutôt tendre sur son géniteur, un homme qui parlait peu, qui n’ jamais montré son amour aux siens, mais qui a laissé de nombreux souvenirs dans la mémoire de son fils cadet. Il les raconte tout au long du livre, tout en retraçant le parcours de son père, reconnaissant l’influence qu’il a pu avoir sur lui, dans ses bons comme dans ses mauvais côtés. Plus largement, Beigbeder porte, comme souvent dans ses livres, un regard sur les décennies antérieures, ponctuant aussi son récit de nombreuses références philosophiques et littéraires, évoquant aussi bien Annie Ernaux que Françoise Sagan.
Bref, on ne s’ennuie pas une seconde !

Et dans la dernière partie du livre, il nous emmène carrément du côté du monde de l’espionnage, quand il nous apprend que son père aurait pu être un agent secret au service des américains. Un homme qui, en tout cas, avait un carnet d’adresse impressionnant, des relations dans le monde de la politique et des affaires qui auraient pu en intéresser plus d’un.

Lui qui est désormais père à son tour et assagi, loin de ses excès en tout genre du passé, Frédéric Beigbeder dresse un constat sur le moindre cynisme sur ce que fut la génération de ses parents, qu’il met en parallèle avec la sienne et celle de ses enfants, expliquant combien il regrette de ne pas avoir tissé des liens plus profonds avec son père – un jet-setteur invétéré, amateurs de bonnes tables et de de belles femmes –, et combien il est soucieux, aujourd’hui, de ne pas reproduire le même schéma avec ses propres enfants.

Roman intime, ponctué d’humour et de réflexions diverses, parfois un peu absurdes mais tellement drôles, Un homme seul est un récit qui se lit avec énormément de plaisir, touché que l’on est par la sincérité du personnage, par son sens légendaire de la punchline, (« J’ai écrit tous mes livres pour épater quelqu’un qui n’est plus là. Celui-ci est le premier que j’écris pour moi-même »), mais aussi par l’observation qu’il fait de son père, dans les derniers moments de sa vie, malade et amaigri, ressemblant à une sorte de fantôme, conscient qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre.

Un homme seul
Récit de Fréderic Beigbeder
Editeur : Grasset
224 pages – 20€
Date de parution 5 janvier 2025

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