Charles
Burns - Big Baby
Cornelius
- 2003
Big baby
est un recueil de 4 histoires courtes indépendantes
mais mettant chacune en scène Tony Delmonto, jeune garçon
américain vivant avec ses parents dans une banlieue
pavillonnaire proprette.
Proprette en apparence seulement car, déjà à l'époque
de Big baby c'est
à dire bien avant son chef d'œuvre en cours Black hole (chez Delcourt en français et chez Fantagraphics en
VO), Burns n'a
pas son pareil pour installer le malaise.
Burns détourne
les codes de la junk culture des années 50 et 60
(comics d'horreur, cinéma d'exploitation, teen movies,…)
pour les plonger dans un quotidien très inquiétant et
très malsain.
Dans Curse of the molemen, de mystérieux et terrifiants hommes-taupes
s'invitent dans une histoire de violence domestique perpétrée
par un mari jaloux, possessif et franchement dérangé.
Dans Teen plague, la baby-sitter adolescente de Tony fugue avec son petit
ami, avant de s'apercevoir qu'il lui a refilé la peste
ado, une maladie qui couvre ses victimes de pustules répugnantes
et qui se transmet de manière sexuelle (cette histoire
fournira à Burns
l'idée de départ de la série Black
hole dans laquelle il poussera de manière encore
plus évidente et tordue la métaphore des
transformations et mutations liées à l'adolescence).
A travers un quotidien contaminé par la monstruosité,
c'est toute la banalité d'une Amérique détraquée et
déliquescente que nous montre l'auteur, mise en parallèle
avec une peinture très fine des peurs enfantines et de
l'imaginaire morbide qui peut s'en dégager.
Big
baby, c'est le mariage fascinant du morbide et du
malsain, dans une union trouble très malaisante qui
laisse des traces bien après la lecture.
Notons que Cornelius projette d'éditer deux autres
recueils de
Charles Burns antérieurs eux aussi à Black
hole, Defective stories (album jadis publié chez
Albin-Michel) et Skin
deep. L'occasion de faire le tour de cet auteur peu
prolifique mais absolument essentiel dans le paysage de
la bande dessinée indépendante américaine.
Fred
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