Sfar,
Trondheim &
Nine - Donjon
Monsters 8
Delcourt
- 2004
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Donjon est
la série la plus excitante de ces dernières années.
Voilà, c'est dit. Plus la peine d'y revenir.
Partis
d'une réappropriation décalée de l'univers
ultra-codifié des séries d'heroic-fantasy, le très
complémentaire duo Sfar/Trondheim
n'a eu de cesse depuis lors d'en repousser les limites,
d'explorer de nouveaux territoires. En variant les
genres et les modes de narration. En dépassant la
simple parodie pour révéler une réelle profondeur grâce
à des albums aux multiples niveaux de lecture. En
emmenant la série de la rigolade potache vers une
gravité insoupçonnée.
Sans jamais rien sacrifier à la dimension
purement jouissive que procure la lecture des albums.
L'idée de traiter les personnages, lieux et situations
à diverses époques, en plus de générer des
possibilités narratives d'une grande richesse, a permis
de propulser la série dans un rapport très moderne au médium
en faisant du rapport au temps (celui qui passe, pas
celui qu'il fait) son ressort principal. C'est dans ce
cadre que se situe également l'idée géniale de la
sous-série Monsters,
qui synthétise et concrétise au mieux tout ce que Donjon peut receler en terme d'expérimentations. L'apport de
dessinateurs extérieurs à l'univers
Donjon permet toutes les audaces graphiques et
narratives (quitte parfois à rebuter plus d'un lecteur)
mais permet surtout, en situant chaque album dans un
"trou temporel" interagissant avec les séries
principales, de placer sans ambiguité le rapport au
temps qui passe comme élément structurant l'univers
dans sa globalité. Donjon
y gagne la mélancolie sans rien perdre en jouissance
instantanée. Un véritable tour de force.
Crêve-cœur
est déjà le huitième album de la série Monsters.
Situé à la période Potron-Minet
(celle de la genèse du donjon, qui fait la part
belle aux récits d'aventure), il nous emmène dans les
bas-fonds d'Antipolis, la cité corrompue où gravite
une Cour des Miracles dont fait partie la sulfureuse et
mystérieuse Alexandra. C'est ce personnage que les
auteurs choisissent ici de mettre en avant, lui donnant
chair (c'est le cas de le dire) d'une manière qui
n'avait été qu'effleurée jusqu'à cet album. C'est le
principal attrait de ce Monsters qui ne compte pas parmi les plus grandes réussites de la série.
Crêve-cœur
apporte cependant une nouvelle pierre à une série
qu'on n'hésitera pas à qualifier d'expérimentale
grand public tant elle réalise la quadrature du
cercle entre l'intelligence du propos et le plaisir de
lecture. Ca doit être ça le respect du lecteur…
Fred
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