Taniguchi
& Furuyama - Kaze No Shô
Génération
comics - 2004
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Auteur désormais reconnu en Europe depuis la parution
de Quartier Lointain chez Casterman, Jirô Taniguchi
est l’auteur d’une œuvre pléthorique et beaucoup
plus diversifiée que ce que les mangas pour l’instant
parus en français donnent à voir. La sortie de ce
magnifique ouvrage est l’occasion d’aborder
l’auteur sous un angle inédit, et de connaître de
manière plus complète son œuvre. En effet, Kaze No
Shô aborde des thèmes complètement différents de
ce que l’on a eu l’occasion de lire jusque là.
La trame scénaristique se base sur plusieurs éléments.
Outre un prologue et un épilogue prenant place au début
de l’ère Meiji (1867), l’essentiel de l’histoire
se déroule en l’an deux de l’ère Keian à l’époque
d’Edo (début de XVIIème siècle), à un moment où
le pouvoir politique et militaire du Japon est détenu
par un Shôgun, et où l’Empereur, qui ne peut avoir
qu’un rôle de représentation, vient d’être déchu.
Or, le Shôgun dirige le pays grâce à l’appui de
différents clans, et notamment celui des Yagyû, auquel
appartient le principal personnage, Yagyû Jubei, l’un
des escrimeurs les plus célèbres de l’histoire
japonaise. Mais il se trouve que les chroniques secrètes
des Yagyû, dont on dit que si elles étaient dévoilées
au grand jour, le pouvoir du shôgun tomberait et le
pays pourrait plonger dans l’anarchie, ont été volées
par un mystérieux individu. La première approche de
l’œuvre est donc constituée par une enquête, où
Yagyû Jubei est chargé de retrouver ces fameuses
chroniques.
Mais derrière cela, se superpose un cadre historique et
politique très important. Les auteurs nous offrent une
peinture très complexe de cette époque troublée, en
nous présentant les luttes pour le pouvoir,
l’organisation administrative du pays. Derrière la
simple disparition de ces chroniques, c’est en fait
une lutte entre le Shôgun en place et l’Empereur déchu
qui se joue. Le second affirme qu’il détient seul la
légitimité à occuper le pouvoir, de par son origine
divine. Mais d’un autre coté, le Shôgun semble être
le seul à même de maintenir l’ordre et la stabilité
dans le pays. Les auteurs arrivent parfaitement à intégrer
ces éléments à l’histoire, sans jamais alourdir véritablement
la narration, sans jamais rebuter le lecteur.
Enfin, et c’est le troisième aspect de l’œuvre, Kaze
No Shô est également un manga de samurai, où
l’on voit notamment à l’œuvre Yagyû Jubei.
C’est ici que Taniguchi nous donne à voir une
partie inédite de son talent. Il parvient en effet à
rendre parfaitement limpide ces scènes de combats, même
si son dessin n’est peut-être pas le plus dynamique
qui soit. Parfaitement maîtrisé, avec un sens du découpage
fantastique, le dessinateur arrive à nous faire la démonstration
de chaque mouvement initié par les combattants, et
permet au lecteur de se faire une compréhension
parfaite de ces scènes.
Car au-delà des luttes intestines entre les clans, pour
le pouvoir, et toute l’organisation hiérarchique,
politique et informelle du Japon qui en découle, exposée
de manière brillante, Kaze No Shô nous conte
l’histoire d’un individu, Yagyû Jubei, chargé de défendre
les intérêts de son clan et donc du shôgunat. Un
homme dont le destin est intrinsèquement lié à la
survie du pouvoir en place, et qui doit mettre son génie
d’escrimeur à son service. Cela donne donc une
dimension supplémentaire à l’œuvre, qui devient par
certains cotés une quête de soi, dans la poursuite
d’un individu qui agit lui aussi selon ses
convictions, qu’il juge tout aussi juste. Car que
faire, entre vouloir divulguer les chroniques secrètes
pour faire tomber ce shôgunat autoritaire et
despotique, et plus ou moins illégitimes, en risquant
de faire sombrer le pays dans l’anarchie et les luttes
sans fins, ou assurer la défense du pouvoir en place
afin de privilégier la stabilité politique du pays ?
Jouissant d’une traduction et d’une adaptation en
tout point parfaites, Kaze No Shô s’avère être
un pilier de plus dans l’œuvre si riche de Jirô
Taniguchi. Les thèmes sont certainement moins
consensuels et facile d’accès que ceux développés
dans Quartier Lointain par exemple, mais il
serait néanmoins dommage de passer à coté.
Vincent
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